Pour ma dernière soirée à Pucon, je rejoins les francophones au bord du lac, avec des bières, pour admirer le coucher de soleil. Je ne m’attendais pas à ça, mais il faut bien le dire, il fera partie du top 5 des plus beaux couchers de soleil admires cette année. Imaginez vous un tableau de Monet. Ou mieux, regardez les photos ci-dessous. Merveilleux ! Les couchers de soleil chiliens, c’est quelque chose.
Ah non...j'oubliais ! Le site ne me permet plus de mettre de nouvelles photos sans payer un abonnement. Il faudra donc vous satisfaire désormais de mes compétences littéraires pour imaginer les endroits traversés...ou vous connecter sur instagram. Et non ! Merci à mes sponsors de toujours ; papa et maman <3
Après avoir admiré un moment le ciel étoilé et vu passer, ce soir encore, le satellite d’Elon Musk (Starlink de son petit nom) qui ressemble à plusieurs étoiles filantes à la suite mais lentes, je me décide à rentrer me coucher. Le lendemain, Édouard et moi partons pour un dernier challenge ensemble : 500km faits le plus rapidement possible. J’espère réussir en cinq jours. C’est un challenge personnel, rien de plus, rien de moins.
Je quitte donc Pucon, après avoir réussi à ne pas faire trop de courses, prenant exemple sur littéralement tous les cyclistes que je rencontre. Je n’ai donc que de quoi faire trois repas avec moi ; une première. Sortir de la zone urbaine est une vraie plaie, il y a beaucoup de trafic et comme d’habitude dans ce cas là, les automobilistes ne me respectent pas - du tout. Il fait beau et après quelques kilomètres, je peux enlever les pantalons et rouler en shorts. La route est toujours très fréquentée et je change le parcours gps de la suite pour être au plus près des lacs et sur des petites routes peu fréquentées. L’avantage d’être au Chili, c’est que la plupart des petites routes sont goudronnées, ou en partie (en train d’être goudronnées). Je souffre mentalement beaucoup du trafic et me réjouis, l’après-midi, de dévier sur une de ces petites routes. Une fois dessus, je revis. Je quitte le volcan Villarica fumant et ne le reverrai plus, malgré mon espoir de le prendre en photo de nuit, avec les étoiles derrière.
Le soleil est bien présent et je pédale bien. Je bois des litres et des litres d’eau, un vrai record. Je dois même m’arrêter sur le bord de la route en acheter, c’est la première fois que je dois faire ça. Beaucoup boire signifie aussi beaucoup s’arrêter..et ce n’est pas toujours facile - de même que dans la pampa - quand tu es entourée de barrières et de champs. M’enfin, quand l’urgence appelle, la pudeur se retire.
Les petites routes campagnardes chiliennes ressemblent étrangement à nos contrées helvétiques. Je me retrouve à voyager des cinq sens en Europe, sur toute les pistes que j'ai déjà prises à vélo. De la campagne allemande aux fraîches températures marines au Danemark, des forêts sur la route de la Loire aux lacs Suisses, en particulier celui de Neuchâtel. Je me baladerai en Europe ces quelques jours. Passant à côté de plusieurs hortensias, je ne peux m'empêcher de penser au Pertuis, surtout quand l’odeur des pins est si présente autour. Des odeurs de jardin botaniques et j’étais décidément en terres neuchâteloise. Puis, la campagne Vaudrusienne - où presque. La seule différence : les chauffeurs ici qui roulent à tombeau ouvert. Un renard ici, beaucoup d’oiseaux là et toujours beaucoup d’eau ingurgitée.
Après septante kilomètres, j’ai un mal de crâne terrible. Je veux continuer pour arriver aux cent kilomètres avant la nuit. Je me rappelle qu’il me faut écouter mon corps avant tout et prend énormément sur moi pour m’arrêter : quand le mental est plus sportif que le physique. Je m’assois à l’ombre dans l’herbe, déballe une plaque de chocolat et réalise soudain que je viens de la finir ainsi que 5dl d’eau, comme ça, sans m’en rendre compte. Il faut croire que j’en avais besoin. Réalisant alors que le corps ne suit plus, je m’accorde une longue pause qui fait assez vite disparaître ma céphalée. Tant mieux, je peux reprendre la route.
Après 105 km, marquant un nouveau record de distance avec un vélo chargé, je m’arrête, la nuit tombant. Je réalise avoir fait plus de 1100m de dénivelé sous le soleil. Ça explique peut-être mon mal de tête qui a réapparut. Je me cuis des pâtes sans grande conviction - je crevais la dalle avant, mais là je voulais juste dormir. Je me fais quand même 200g de pâtes par habitude. En deux minutes max, j’avais tout mangé. Ah oui… j’ai peut-être pas assez mangé aujourd’hui … je me promets de faire - beaucoup - plus attention le lendemain, mais c’est dimanche.. il faudra trouver quelqu’un chose d’ouvert si je veux manger plus que ce que j’ai de prévu quotidiennement. Je me fais la promesse d’être plus prudente ; je suis seule, il faut bien que quelqu’un prenne soi de moi, pas le choix, je dois m’y coller !
Ne trouvant aucun endroit où camper (les routes sont bordées de barrières barbelées en Amérique du Sud), je m’arrête devant un énorme jardin et demande permission à une vieille dame de camper chez elle. Elle semble toute surprise de voir quelque un là mais accepte avec le sourire. Je dors proche des poules et d’un coq matinal - mais ne me lève pas pour autant avec les poules. Le lendemain, c’est dur de se motiver à repartir, mais je ne peux pas rester ad eternam chez cette dame et ça me force à lever le camp.
Je reprends la route dans une fraîcheur automnale qui me surprend. Les shorts, c’est terminé. La seule chose qui me motive, c’est le challenge physique des cent kilomètres, en dehors de ça, j’ai la flemme ce jour-là. Je dois beaucoup me motiver, je chante le répertoire français classique (heureusement que je connais par cœur la bohème) et passe à travers la campagne chilienne. Le trafic est moindre et c’est très chouette, mais mon corps est fatigué. Je ne trouve pas à manger et me suffit de ce que j’ai. Jamais plus je n’écoute les cyclistes en matière de nourriture ; c’est très bien d’avoir trop à manger avec soi et de transporter des kilos de bouffe en trop.
Elle jura honteuse, mais surtout confuse et un peu tard que l’on ne l’y prendrait plus.
Une banane pour faire le plein d’énergie (et c’est fou ce que ça fonctionne) et c’est reparti. Un restaurant sur Google maps ? Il me fallait pas plus pour motiver Louise qui traverse à toute vitesse les champs de vaches sous un soleil retrouvé. Le sourire réapparaît et la descente est le dessert. Encore un record d’eau bue ce jour-là et me voilà face au restaurant : fermé. C’est dimanche. Au moins, l’accès aux toilettes est ouvert et je peux remplir mes gourdes (et profiter des toilettes, bien sûr). Je reprends la route un peu abattue mais en sachant qu’un joli spot de camping au bord du lac m’attend. J’arrive juste à temps pour voir le coucher de soleil, le bonheur.
Le ciel et la météo sont clairs : il ne pleuvra pas cette nuit. J’en suis convaincue. Je m’offre donc le luxe de ne pas mettre la deuxième toile de tente pour dormir sous les étoiles, sur ma plage à moi toute seule. Séance shooting pour les étoiles qui me fait me rendre compte que la condensation bat son plein, car la buée atteint même l’appareil photo. Mes affaires sont trempées au point que je me demande s’il n’a pas plut à mon insu. Non Louise, c’est la condensation. Évidemment, l’eau du lac est super chaude ce qui explique pourquoi ma tente - froide - est trempée. J’essuie le tout avec mon linge mais persiste à ne pas vouloir mettre la deuxième couche pour admirer la voûte céleste. Au milieu de la nuit, il me pleut dessus. Comme s’il y avait mort d’homme, je m’arrache de mon lit à la quatrième vitesse et met la deuxième toile de tente dans la nuit. Les yeux un peu plus réveillés, je me rends compte qu’il ne pleut toujours pas. Sacrée condensation. La toit installé n’est pas si mal, car la tente a été créée comme un tout pour faire face aux phénomènes naturels - tels, notamment, celui de la condensation -. Je n’aurai donc plus de soucis de gouttière pour le reste de la nuit.
Ayant laissé ouverte la “porte”, je me réveille au lever de soleil pour faire de nouvelles photos avant de me rendormir. Courte nuit, mais très photogénique.
J’ai de la peine à repartir, mais le déjeuner étant bien maigre à mon goût car j’ai terminé tout ce que j’avais à manger (muesli, pain, fromage, banane), je m’efforce de repartir en me promettant de m’arrêter dès que je vois un endroit où il est possible de manger - peu importe quoi. Huit kilomètres plus tard, je trouve une petite tienda (mini magasin) au bord de la route et fait des provisions pour la route, mais je ne trouve rien à part un jus de fruits à consommer sans cuisiner. Mais quelques centaines de mètres plus loin, bingo ! C’est un mini restaurant tenu par une dame toute gentille qui m’a concocté un énorme sandwich végétarien. Je me rends compte que je confonds palta et plata (respectivement avocat et argent) ce qui crée un court malentendu avec la gérante. J’avale mon sandwich en trois secondes et en redemande un, sous les yeux ébahis de la serveuse. “J’ai faim”, dis je un peu timidement. Elle me refait donc le même énorme sandwich. Je réalise avoir peut-être fait une fringale ces derniers jours… Les jours suivants seront ponctués d’arrêts répétés à manger énormément. J’ai remarqué manger plus depuis que je fais du vélo, mais je n’ai jamais autant mangé de ma vie ces 500 kilomètres. J’apprends donc que plus d’effort égal à plus de bouffe. Pourtant évident, mais c’était pas prévu dans les pauvres courses de Pucon.
Je repars le ventre rempli, mais sans même me sentir pleine. Je suis super motivée et le soleil est de la partie. J’ai droit à tous types de routes - même du ripio, mais globalement c’est une routé parfaitement asphaltée que j’ai sous les roues. J’avance bien et suis fière des kilomètres au compteur.
Il y a de plus en plus de chiens qui me courent après et j'ai peur de me faire mordre (très peu pour moi les piqures de rappel de vaccin contre la rage). Je ne comprends pas qu'on laisse son chien courir après les passants, mais enfin, c'est l'Amérique du Sud - il parait.
En fin d’après-midi, une voiture avec camionnette me dépasse de très proche - comme d’habitude. Ça m’a fait peur encore une fois. Un virage et elle disparaît plus loin. Je tourne à mon tour et assiste à une scène qui me fait encore frissonner maintenant. La camionnette rouillée est en miettes sur la route, le chauffeur à plusieurs mètres du véhicule. Il est allongé sur la route. Il est inconscient, et il saigne à la tête. Peu de doutes sur ses chances de survie. Une camionnette vieille comme ça n’a pas d’airbags et je ne suis pas sure que tous les chiliens portent une ceinture en roulant. J’ai les larmes aux yeux en passant à côté de l’accident. Plus loin, je croise l’ambulance qui me semble arriver bien tard face au pronostic vital engagé de notre chauffeur. La pluie se met à tomber, comme si le ciel voulait assurer que l’on se souvienne de cette journée sombre. Automatiquement, je m’arrête sur le bas côté et enfile mon gilet de sécurité jaune. Je roule jusqu’à la tombée de la nuit, sous un ciel menaçant, puis sous les larmes de l’orage. J’arrive à Entre Lagos, dernière ville avant la frontière. Je campe devant le lac, mais la nuit est tombée quand j’ai enfin trouvé le bon spot et je monte la tente sous la nuit, car ma lampe frontale n’a plus de batterie. Heureusement, je peux le faire les yeux fermés. Le vent s’est levé, les éléments se déchaînent. J’ai l’impression d’être en Bretagne, au phare du Four ou au phare de la Jument. Je ne peux rien cuisiner à cause du gros temps et me fais donc un couscous froid avec une sauce froide aux champignons. Ça fait l’affaire. Au réveil, je découvre que ce qui semblait être un océan est un petit lac. Tout est calme, l’air est humide et il fait froid. Il ne pleut pas, mais le ciel laisse présager une averse proche. Je cherche avec peine un café où manger des empanadas, car j’ai très faim, encore une fois. Je trouve finalement mon bonheur. Entre Lagos devait être un village touristique. Ça ressemble plus à un village-fantôme. Mon café et mes empanadas ne me coûtent quasi rien et je trouve un magasin où faire des provisions, mais comme je passe la frontière le jour même - en principe - je n’achète que deux bananes. En effet, il est interdit de faire passer des produits frais de l’autre côté, même si je sais que les argentins sont moins regardants que leurs camardes paranoïaques chiliens.
Après quelque coups de pédales, je déraille pour la première fois. Je repars, pour de bon, les mains crasseuses de graisse deux minutes plus tard, à l’assaut de ce col de montagne. Si j’ai survécu aux dénivelé des jours précédents, ce col là va me donner du fil à retordre, je le sens.
Pour sûr nous voulions les photos! des paysages simili-suisses aux couchers de soleil ou au ciels étoilés, on ne veut rien manquer!
Avec tous les muscles développées, tu ne rentreras bientôt plus tes mollets dans tes pantalons serrées 😆
Comme toujours tellement de plaisir à te lire. Mais quelles aventures ! Et émotions ...