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Photo du rédacteurLouise Perriard

En guerre avec les vents de Patagonie

Résumé en gros :

Jour 1 : 45km

Jour 2 : 10km

Jour 3 : 70km

Jour 4 : 50km

Jour 5 : 12km + 30km en camion-stop


Après les dix premiers kilomètres un peu compliqués au niveau de l’équilibre, je pris finalement l’habitude de tout ce poids. La route n’était pas très belle et je du sortir de Punta Arenas par la zone industrielle ; moche et puant. Enfin, l’océan me tint compagnie ainsi qu’une fine pluie ouvrant un nouveau chapitre, celui de la Patagonie et de son climat inhospitalier au possible. Je le savais en partant, mais on ne sait jamais aussi bien qu’en découvrant par soi-même, et cette fois c’était vraiment plus difficile que tout ce que j’aurais pu imaginer.




La première journée commença donc par une autoroute peu intéressante, après un petit passage très sympa au bord de l’océan. J’enchainai les premiers vingt kilomètres sans soucis puis le paysage se transforma gentiment. Le Chili me présentait sa Pampa.




Je voulu m’arrêter manger mais ne trouvai aucun abri pour cuisiner protégée du vent, impossible d’allumer le réchaud dans ces conditions : il fallut continuer. La pluie reprit pour de vrai et je commençai à réaliser où j’étais, et à me demander ce que je foutais là.


Je trouvai à quelques centaines de mètres au bord de la route des containers ouverts qui semblaient désaffectés et encore pleins de matériaux de constructions. Malgré le panneau interdiction de « trespasar », j’ai « trespassé » (ou qqch dans ce vocabulaire, je parle toujours pas espagnol si jamais). Un semblant d’abri du vent étant bien trop alléchant pour passer à côté. C’était pas franchement dingue, mais ça m’a permis de bouillir de l’eau malgré la tempête et donc de manger chaud. J’étais trempée, fatiguée et affamée. Mes pâtes mirent une décennie à cuire, mais je finis par me rassasier et repartir, face au vent.


La pluie s’arrêta un moment et c’est seulement après avoir passé un barrage policier que le vent vint vraiment à ma rencontre, comme je le compris seulement après. J’aurais aimé le connaître de loin.


Quand les camions me dépassaient, cela me poussait hors de la route. Parfois, mon vélo tombait. Quand les camions venant de l’autre sens passaient, l’air reçu était si fort que le vélo s’arrêtait instantanément, quand je ne tombais pas directement. Même si le vent venait de côté, c’était de la torture. Je me crispait sur le guidon pour tenter de retenir le vélo sur la route quand on me dépassait. Le vent sifflait à mes oreilles sans jamais cesser ses hurlements. Je devais rouler couchée sur le côté pour contrer le vent qui me projettait sur la droite. Les applications météo annonçaient des rafales à 70 km/h. Une bombe face à moi. Le mental tint un moment. Je trouvai une maison abandonnée sur le bord de la route et m’y réfugiai un moment. C’était un peu glauque pour y passer la nuit et je n’avais fait « que » trente kilomètres. Je ressorti donc de mon abri et commis l’irréparable : continuer dans la tempête, contre vents, mais au moins pas contre marrées. S’il y avait des descentes, je ne saurais plus le dire, car il me fallait même pédaler à la descente sous peine de s’arrêter, Eole n’acceptant que les sportifs sur les routes de Patagonie.




La pluie reprit et pour de vrai cette fois. La grèle s’y joignit un moment. Les premières larmes du voyage coulerent et se melangerent à la pluie. J’en avais marre. Le très fameux « Mais putain qu’est-ce que je fous là » frappait, et très fort cette fois. Aucun voyage n’y échapperait donc ?


Je commençais à avoir froid et désespérait de voir la pampa s’étendre sous mes yeux : où poser ma tente dans cette étendue de vent ? Finalement, je m’arrêtai au bord de la route et tendit le pouce. Plus grand monde ne passait, c’était déjà la fin d’après-midi et je ne mettais pas beaucoup de conviction dans mon espoir d’être prise en auto-stop. Je repris la route à vélo. M’arrêtai une deuxième fois. Un pick-up venant du sens inverse s’arrêta. Le chauffeur ouvrit la fenêtre et me proposa une bouteille de coca-cola. Je n’eus pas le temps de feindre que je n’en avais pas besoin que déjà je l’avais entre les mains. Muchas gracias, lui dis-je la gorge serrée et avec un mélange de larmes de joie et de désespoir sur les joues. Il reprit sa route et revint en sens inverse après quelques minutes. Il me tendit son k-way. No necessito, pero muchas gracias !!! Un bon samaritain comme on n’en refait pas, ce type mérite un prix Nobel de la Paix.


Je continuai donc mon chemin et finit par trouver sous la route un endroit d’herbes protégé du vent par la route. Des places de camping comme on n’en veut pas, au bord de la route, mais je vous promets qu’à ce moment-là, ça semblait être de luxe d’être protégée du vent. Je montai la tente sous la pluie et me fit à manger avant de m’endormir très vite. Complicado comme première journée.



Les prévisions météo annonçaient une deuxième journée pire que la première. Le violet prenait le dessus sur Windy.com et promis, ça annonce pas du bon.


Je me mis à pédaler et très vite, les larmes revinrent. Mais vraiment, mais pourquoi je fais ça ?


Après dix kilomètres réalisés en plus d’une heure trente, je m’arrêtai à la seule station essence des 250 km de la route 9 et m’y pris un café et un empanadas. J'étais tellement au bout que je ne demandai même pas un enpanadas sans viande, s’il y en avait dedans et ce que je mangeais. Je mangeais chaud et ça faisait du bien. Je restai quasi deux heures à côté du radiateur de ce shop au bord de la route. Il n’y avait rien d’autre à part deux ou trois maisons aux alentours. Je rencontrai une allemande à moto, la soixantaine (encore !). Elle s’appellait Silvia et on discuta en allemand. Décidément, je parlais plus hochdeutsch qu’espagnol ! Plus tard arriva un cycliste polonais, il ne parlait aucune des langues que je parle et la communication fut compliquée. Il fila au nord, moi je m’arrêterais ici, je ne pouvais plus continuer.


Je trouvai un vieux refuge abandonné et y passai l’après-midi et la nuit. Il y avait de l’électricité et de l’eau et même des matelas : un cinq étoiles. Un épisode de How I met your mother me remit d’aplomb. Je pus faire la vaisselles et sécher mes chaussures encore trempées de la veille (brrrr). J'étais contente d’être là. J'avais une jolie vue de ma fenêtre. J’entendais le vent gronder sur le bois de ma cabane.


Je mis ma couverture de survie sur les matelas car javais une phobie terrible de dormir sur des punaises de lit (mais je pense pas qu’elles vivent par des températures pareilles) et ciao bonne nuit.




Le lendemain, je me remotivai à partir et miracle, le vent setait calmé. Je chantais avec Renaud « Dès que le vent resoufflera, je m’arrêtera ». Le soleil pointa le bout de son nez et m’encourageait sur les montées. C'était des montagnes russes. Quand tu arrives en bas d’une descente, c’est pour mieux remonter. J’avais enfin du plaisir et je me souvins alors de pourquoi j'étais venue. Sans (trop de ) vent, je me sentis en liberté. Un sourire se redessina sur mon visage et je saluais guanacos et nandous que je dépassais.


Un guanaco traversa la route. Il prit son temps et força les automobilistes à s’arrêter pour mon plus grand plaisir. La nature trouverait toujours une manière de montrer qui était le plus fort. Quand tu connais les vents patagoniens, tu sais qui gagne.


Je bus les restes de mon coca-cola de la veille et ça me fit un bien fou. Il paraîtrait qu’ici c’est moins cher que l’eau. Ah le capitalisme !


Des guanacos, du ciel bleu et un vent de face mais assez doux pour me laisser mon sourire. Je revivais.







Mais voilà qu’en début d’après-midi, le vent se relèva. Mon sourire s’effaça, je du mettre plus de force dans les jambes. Ca n’avançait plus ou si difficilement. Je galèrais, une fois encore. Arrivée dans un petit village moche, je m’arrêtai à une cafeteria qui semblait fermé mais ne l'était pas. Je demandai un dessert sucré, ils n’en avaient pas. Je demandai s’ils avaient de la limonade. Non. Je demandai s’ils avaient des empanadas au fromage, non. Je demandai ce qu’ils avaient. Du coca et un sandwich au fromage ? C'était d’accord.


Je réalisai que j’avais bien pris le soleil, un peu trop. Mon visage chauffait et ma tête aussi. J'avais grand besoin de cette pause. La télé hurlait devant moi, mais je restai quand même un moment, c'était nécessaire. ça me donna l’énergie qu’il me fallait pour les dix-sept derniers kilomètres qui me séparaient d’un nouvel hôtel cinq étoiles, un refuge avec matelas dont Saskia m’avait parlé. Le vent était doux avec moi et il faisait super chaud. Je roulais juste en odlo et kiffais à fond, malgré ma fatigue grandissante et l’envie d’arriver.


J'eus le pressentiment que je ne serais pas seule.


J’arrivai, personne. Je me fis à manger, puis deux vélos s’approchèrent du nord. C'étaient deux cyclos espagnols qui roulaient en mountain bike. Ils voyageaient depuis plus d’un an (!) et parlaient très bien anglais. On discuta un peu, mais le sommeil nous appelait. Je trouvais vraiment dur de rencontrer tous ces gens qui finissaient leur périple et qui racontaient leurs péripéties avec le sourire, moi, je savais que c'était encore devant moi ! Ce couple était en fait relativement connu sur instagram (en tout cas chez les cyclos) et j’écoutai les conseils qu’ils me donnerent pour les prochains milliers de km. Pas sûre d’arriver jusqu’à là bas à vélo, mais enfin, je pris.




Après un « powder milk drama » comme l’appela Sonia, elle me donna un de ses sachets refermable. Leçon no 1900999 apprise : ne jamais prendre de sachets non réformables avec soin, peu importe la couche de scotch et d’élastiques dessus.


On se dit au-revoir le lendemain matin, eux pédalant vers le Sud, vent dans le dos, moi pédalant vers le nord (et devinez donc la direction du vent ?). Eole fut ferme avec moi. Il faudrait souffrir. Je fis vingt kilomètres sans trop de soucis, avec une carotte au bout du baton : un resto au milieu de nulle part. Quand j’y arrivai, c'etait ouvert, miracle. Je me prends un saumon avec des frites, restai longtemps au chaud. Le staff était adorable et me remplit ma gourde d’eau chaude. Il fallut toutefois repartir. Je fis encore trente kilomètres, mais avec difficulté. Je devais vraiment me forcer d’avancer. Encore une très dure journée. Je plantai ma tente près d’une rivière histoire de remplir les gourdes et réalisai alors que j’avais perdu mon incroyable et douce polaire north face en route. C'était vraiment pas le moment pour une merde comme ça. Je m’en voulais et appris la leçon no 159989990 du bikepacker : même si tu attaches des trucs avec les tendeurs, il faut sécuriser le tout avec un mousqueton. Le vent avale tout sinon.



Chouette pâtes au thon et sauce tomate, bonne nuit de sommeil, réveil glacial.





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Vivement des nouvelles avec plus de plaisir! En attendant je t’envoie de douces et chaudes pensées

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