Il me fallait patienter à Esquel, j'ai donc vite trouvé le meilleur cheesecake de la ville et me suis reposée. Ça faisait bizarre d’être seule après avoir passé une semaine avec beaucoup de monde, qui plus est, des personnes merveilleuses.
J'ai pu retrouver Edouard à la station de bus. Il était en pleine forme, j'étais rassurée. J'ai fait quelques courses dans l'idée de partir le lendemain et j'ai rejoins le camping. A côté de ma tente se trouvait un énorme camping-car à l'américaine. Il s'appelait red. Ses chauffeurs : un couple de britanniques. Nous avons discuté toutes la soirée. On se partageait nos anecdotes de voyage et eux, qui voyageaient depuis plusieurs années, me donnèrent leurs meilleurs conseils de route.
Le lendemain, j'étais de retour sur mon vélo pour rejoindre El Bolson. Le soleil était de la partie et dessina un énorme sourire sur mon visage. Quelques premiers kilomètres de ripio chauffèrent la mécanique, puis le goudron réapparut. Je faisais mes premiers kilomètres à vélo sur la très célèbre ruta 40. Quel bonheur ! L'alarme pour le vent était au orange ce jour-là, mais j'avais quand même décidé de prendre la route malgré la proposition des anglais de me prendre avec eux dans Red. Faire du vélo me manquait trop et la perspective d'être dans le vent en shorts me plaisait bien.
Je pédalais bien. J'étais partie très tard , à savoir à midi, ce qui est vraiment stupide quand tu sais que le vent est calme le matin et que tu pars le jour d'une alerte orange. Évidemment, le vent n'a pas tardé à se lever. Je me motivais en me rappelant que mes amis hollandais avaient bravé l'alarme orange sur trois jours en faisant 80km par jour. Vers 15h, les rafales étaient trop fortes et il me fallu me rendre à l'évidence ; mon vélo était trop léger et le vent l'emportait sur les côtés.
J'ai donc trouvé un pont après ces 45km réalisés avec un vent de face, et me suis installée dessous, à l'abri et près d'une jolie rivière. J'ai mis quatre an à faire bouillir l'eau de mes pâtes et j'ai profité de la rivière pour me nettoyer un peu.
Je n'avais plus d'eau et ayant pris l'habitude de filtrer l'eau partout, n'était pas sure de pouvoir boire l'eau de la rivière sans la filtrer. N'oublions pas, j'avais perdu mon filtre au Chili. Je me suis donc décidée à utiliser le filtre que Marcus m'avait donné... c'était si lent qu'en une nuit, je n'avais récolté que trois décilitres d'eau filtrée sur un litre et demi ! Mais peu importait, car le soir, un van est arrivé près de mon petit campement. C'était Julian, un anglo-australien qui voyageait sur le continent. Il semblait être désespéré d'avoir un contact social et je dois dire que je l'étais un peu aussi ; on s'est donc vite bien entendus, surtout quand il m'a proposé un gin-tonic fait à la perfection. On a discuté toute la soirée, chocolat de Bariloche sous la dent et c'est seulement vers minuit que je suis retournée à ma tente, non sans avoir fait quelques photos d'un ciel - comme toujours - merveilleux.
Julian se moqua de moi le lendemain quand on réalisa que le vent était encore plus fort que la veille ; je lui avais dit que ça devait être un jour sans vent. C'était ce que la météo de la veille m'avait en tout cas annoncé. Ce vent ne réjouissait aucun de nous deux. Même les vanneurs avaient peur du vent, ça fait trop secouer le van et quand les camions passent en face, ça fait tout trembler, me raconta Julian. C'est vous dire la violence de ce vent. D'ailleurs, à chaque fois que je croise des motards, je dois les écouter se plaindre du vent et de comme cette route est dure ! Comment leur expliquer...
Bref, c'était le matin et il y avait du vent, beaucoup de vent. Une fois encore je trainai pour partir. Comment refuser un café fait à la cafetière italienne ? On discuta encore une bonne heure en déjeunant et je mis finalement les voiles direction le nord tandis que Julian descendrait vers Ushuaïa, en se dépêchant avant que l'hiver ne frappe trop durement. Because we all know that Winter is coming.
Avant de partir. il me ravitailla en eau et m’offrit un bout d’un excellent chocolat de Bariloche, à déguster à la fin de la journée !
Le vent était terriblement fort, et toujours de face. Je me battais contre les rafales et essayait de chanter assez fort pour entendre les paroles avant que le vent ne les emporte. Je criais sur mon vélo, mais "le vent l'emportera". "Come together" des Beatles m'aura encore une fois motivée une bonne partie de la journée, mais quand la pluie arriva, ça ne suffit plus. De toute façon, le vent était trop fort, je n'entendais plus rien des écouteurs.
Les feux de forêts se devinaient au loin et faisaient rougir le ciel. Je m’arrêtais souvent prendre des photos, ce paysage me plaisait. On ne m'avait pas menti, chaque kilomètre promettait une vue encore plus belle.
Lorsqu'une énième rafale emporta mon vélo au sol, je me décidai à m'arrêter. Je tentai le stop. Mon vélo à terre, il me fallu me tenir aux sacoches pour ne pas tomber sous la force du vent. Impressionnant.
Une femme s'arrêta. Elle était en voiture, mais j'étais suffisamment désespérée pour essayer de la convaincre de me prendre. Elle était arrêtée à cent mètres de moi. J'essayai de pousser mon vélo dans sa direction mais n'arrivais pas à avancer. A chaque fois que je pensais avoir vu le pire vent de ma vie, une nouvelle journée en Patagonie me contredisait. Elle me rejoignit finalement et m'avoua qu'elle ne pouvait pas me prendre. Elle s'assura que j'avais de quoi survivre. J'arrêtai ensuite une petite camionnette. Le mec allait seulement à deux kilomètres de là, mais il y aurait une gendarmerie et il me laisserait là-bas. C'était mieux que rien. J'étais bluffée de voir que des gens prenaient cette route même au milieu de nulle part, tout en réussissant à s'arrêter dans des lieux encore plus perdus.
Il me laissa donc à la gendarmerie, elle aussi, au milieu de nulle part. Je n'avais toujours pas de connexion et ne pouvait pas voir si la météo s'améliorerait, ni combien de jours ce vent durerait. Il y avait un là un policier et deux motards qui s'étaient réfugiés. Les trois discutaient en espagnol argentin et avaient un tel accent que je n'arrivais pas à saisir un seul mot. Aucun d'eux ne pu me dire comment les prochains jours s'annonçaient, mais les trois semblaient convaincus qu'il allait pleuvoir et venter pareil pendant le reste de la semaine. Chouette.
Passer la nuit ici ne m'aiderait pas si le vent ne diminuait pas pendant plusieurs jours. Lorsqu'une accalmie se présenta, je me décidai à repartir. Je ne fis pas beaucoup plus que trois kilomètres et dus m'arrêter une fois encore. Le vent était toujours trop fort. Cette fois, c'est un camion qui me prit en stop et qui m’amena à la station-service la plus proche, à environ trente kilomètres de là. Là, me dirent-ils, tu peux camper et il y a même du wifi !
C’était un hôtel cinq étoiles pour cyclistes ; j’avais un petit shop à l’intérieur avec électricité, toilettes et télévision crachant les nouvelles. J’étais au chaud. Je trouvai de quoi me restaurer et passai la nuit dans ma tente, à quelques mètres des pompes à essence. C’était moins romantique que de camper dans la forêt, mais j’étais protégée du vent. Dégustation du chocolat de Julian et dodo.
Le lendemain, ayant mis beaucoup de temps à remballer le campement - comme d’hab -, je me décidai à me faire un brunch : un risotto. Mauvaise idée : le risotto au fromage, cuit en 5’ et acheté en supermarché en Argentine est DEGEU. Je dus jeter le sachet. Quand tu fais des provisions sur plusieurs jours, ça veut dire beaucoup de jeter de la bouffe en route.
Je repartis en direction de El Bolson qui n’était qu’à quarante kilomètres de là. La dame de la station-service avait rempli ma bouteille d’eau chaude et le vent s’était calmé. Je commençais par l’une des plus belles descentes faites à vélo jusque là, ce qui me mit d’extrêmement bonne humeur. Je passai à côté de quelques feux de forêts qui ne s’étaient pas éteints malgré le déluge de la veille. Je traçais, car le vent n’était plus. C’était un sentiment incroyable.
Je faisais du quasi vingt kilomètres par heure avec mon Edouard tout chargé. Que du bonheur ! A midi, je me suis quand même arrêtée manger un bout, le risotto à moitié entamé ne m’ayant pas tout à fait calée. Je me fis donc mon petit-déjeuner à la place, une valeur sûre. Banane et muesli, avec un petit thé, au bord d’une rivière et avec un soleil commençant gentiment à réchauffer la peau : comment ne pas apprécier ? Je m’apprêtais à repartir quand je rencontrai un cycliste allant au sud (encore !). Il était français et avait un setup du futur. Chouette petit échange qui n’enleva rien de ma bonne humeur et retour sur la ruta 40 pour avaler les derniers vingt kilomètres. En légèrement plus qu’une heure, j’étais arrivée à El Bolson, après m’être mise en short et t-short et avoir enfilé mes birks pour une arrivée toute en fashionista.
Je mis pas mal de temps à errer dans la ville à la recherche d’un camping et finis par trouver celui recommandé par le français plus tôt. Je plantai la tente, me douchai, fis un peu de lessive en profitant du soleil encore présent et me dirigeai en ville pour l’attraction de la ville : les glaces.
Après avoir mangé trois fois mon poids en helado (=glace), je fis mes courses et achetai encore une fois beaucoup trop de choses (c’est maladif, j’achète de la bouffe pour cinq jours à chaque fois).
Comme je n’avais rencontré personne dans mon camping vide, je me décidai à partir le lendemain. Lucas mon super réparateur de vélo de El Calafate m’avait conseillé une marche pas loin de El Bolson. Je mis donc le cap vers le début de cette randonnée le lendemain matin (enfin vers 11h, je suis décidément pas une lève-tôt comparé aux autres cyclos).
Après quelques quinze kilomètres (détour de la ruta 40) et trois kilomètres de ripio subis à la marche, j’arrivai au début de la ballade de « Cajon de Azul ». Comme tous les sentiers pédestres, des gardes-forestiers en gardaient l’entrée et m’annoncèrent qu’il était trop tard pour commencer cette marche de 18km. J’expliquai que, bien qu’il soit treize heures, j’arriverais à rentrer avant la nuit. Je pointai mon vélo du doigt en ajoutant « je suis sportive ». Après une petite seconde d’hésitation, le garde-forestier me laissa passer, non sans m’avoir demandé de noter mes coordonnées, mon numéro de passeport et un numéro d’urgence (@papa, ton numéro se retrouve sur les papiers de tous les gardes-forestiers de la région). Ce procédé est normal en Argentine et au Chili ; ici, on a pas la liberté qu’on a dans nos Alpes !
Je me mis donc en route d’un très bon pas, un peu stressée de ne pas réussir à faire l’aller-retour dans les temps.
En fait, j'ai fait cette rando de 18km (boucle) en moins de 4h et j'étais donc très large par rapport aux estimations argentines. En montant dans un sentier facile à travers la forêt, je me rendis compte qu'en tant qu'européens, on est beaucoup plus habitués au dénivelé et à marcher. Je voyais des argentins essouflés au bout du cinquième kilomètres et d'autres me demander au milieu si c'était encore long... Bref, si vous venez randonner par ici, coupez par deux les estimations données par les gardes et vous avez un bon temps à réaliser.
Je m'ennuyais un peu sur la montée qui n'était pas particulièrement intéressante, mais le canyon à l'arrivée était vraiment beau. Seul problème, je suivais un point gps komoot et j'arrivai au refuge quelques mètres au-dessus. Je n’arrivais pas à trouver comment rejoindre la jolie vue du canyon et me mis à suivre un petit sentier mal indiqué dans la forêt. J'arrivai de l'autre côté de la rivière, les gens en face me regardant bizarrement ne comprenant pas d'où j'arrivais. Ayant la flemme de refaire ce petit tour pas très intéressant et n'étant pas sûre d'où je m'étais trompée, je pris la stupide décision de traverser la rivière à pied. J'avais mal estimé la force du courant et la profondeur de l'eau et me suis retrouvée - une caméra dans une main et ma bouteille d'eau dans l'autre avec mes chaussures - à affronter le courant tout en ayant de l'eau jusqu'aux fesses. Cette fois, les gens me regardaient comme si j'étais débile -je comprends qu'ils se soient posé la question. J'arrivai finalement de l'autre côté, saine et sauve, caméra sèche et jambes BIEN refroidies. C'était super drôle à faire mais un peu stupide, je vous l'accorde.
Quelques rayons de soleil étaient encore présent et séchèrent mes vêtements sur la descente. Je rejoignis Edouard et le poussai sur les deux kilomètres de ripio pour rejoindre la route goudronnée. Je volais sur le goudron, j'étais sur-motivée. Il fallut rejoindre la ruta 40. C'était 9km de ripio. Je savais que ça serait galère mais je voulais en finir avec le ripio pour avoir une belle journée le lendemain. Je dus vite descendre du vélo et me mis à le pousser, sur neuf kilomètres. C'était donc bien une journée de rando. J'avais de très beaux paysages et quasi pas de trafic. C'était dur, mais je savais que j'arriverais au bout.
J'avais vraiment l'impression que tout était possible, une vraie impression de liberté. Je réalisai qu'on était le 8 mars, journée internationale des femmes. J'étais super contente d'être là, même si je galérais.
Je finis par cerner au loin la route asphaltée ; quel bonheur !
De retour sur le goudron, j'étais si heureuse d'avancer que je voulais encore faire quelques kilomètres avant de monter le campement. Je me trouvai un chouette coin sur l'application IOverlander et me mis en route là-bas avant que le soleil ne se couche. Arrivée au point gps, j’avais deux options. L'une pour cycliste (plus isolé et éloigné de la route), l'une pour van. Je préférais toujours l'option cycliste et empruntai le chemin indiqué sur cette application incroyable alimentée par les voyageurs. Je dus traverser un chemin de boue et une fois les pieds trempés d'une mixture douteuse (je priais pour qu'il n'y ait que de la terre mouillée et pas que des vaches soient passées par là...) et Edouard tout aussi décoré, je me décidai à rebrousser chemin. J'empruntai finalement le chemin pour les voitures et me lavai les pieds à la lueur de ma lampe torche avant de planter la tente C'était la troisième fois que j'avais les pieds dans l'eau (2 rivières traversées, de la boue, nettoyage). Un peu trop à mon goût.
En gonflant mon matelas, j'entendis un bruit étrange, me retournai et tombai face à deux yeux étincelants qui me regardaient avec un peu trop d'insistance. C'était un chien, mais il avait une allure relativement terrifiante et persistait à vouloir s'approcher de moi et de la tente. Pour tout vous dire, il me faisait vraiment flipper. Je ne comprenais pas ce que foutait un chien ici, au milieu de nulle part. Il devait avoir faim, moi aussi. Je tentai de lui faire peur sans trop de succès et il finit par partir. Soulagement. A 22h seulement, je me fis un énorme repas et m'endormis sous la pluie qui ruisselait sous la tente. J'adorais ce bruit, mais il était entrecoupé par des bruits du chien qui passait, et je ne dormi que sur une oreille (impossible autrement, me direz-vous).
Le lendemain, j'hésitai toute la matinée à attendre que la pluie ne cesse. A midi, je pris finalement la décision de rouler, je ne voulais pas passer une seconde nuit vers ce maudit chien. Je mis mis en route sous une fine pluie avec une - étrangement - super bonne humeur. J'aurais beaucoup de dénivelé positif dans la journée. ça ne me faisait pas peur (Louise pas peur).
Monter, un peu descendre, mais surtout monter. C'était ça le moto de la journée. Je rencontrai beaucoup de cyclistes en route qui me mirent la patate et avec qui je m'arrêtais toujours discuter un moment. C'était une chouette journée. J'inventai la dénommée théorie de la pluie qui consiste en ce qui suit. Lorsque ça monte, la pluie se calme ou s'arrête, quand ça descend, c'est le déluge. ça me faisait pas mal rire de voir que c'était vrai, mais après cinquante kilomètres, il pleuvait surtout tout le temps. J'avais quand même le sourire et espérais secrètement arriver à Bariloche le soir même pour une douche chaude.
En fin d'après-midi, je rencontrai Manny, un indien qui pédalait en direction de Ushuaia. On s'est taillé une bavette sous le déluge et on aurait bien aimé continuer notre discussion mais le soir tombait et on avait chacun une ambition : dormir au chaud. Il me restait 40 kilomètres jusqu'à Bariloche, mais je sentais que c'était faisable. Je devais juste arriver avant la nuit. Pour le mental, rien de mieux que la perspective d'une douche chaude.
C'est seulement vingt kilomètres avant la ville que j'ai enfin eu accès à de la connexion. Je notai l'adresse d'une auberge de jeunesse dans le gps et filai sous la pluie malgré mes jambes un peu douloureuses. Au bout du bout et trempée jusqu’aux os, j'arrivai à mon auberge. Je rencontrai tout un petit monde dont Maria Paz (Pachule), une argentine de Buenos Aires et Isaac, un américain complètement bilingue espagnol grâce au voyage. Ce dernier finissait de préparer à manger pour tout un monde et me proposa une portion. Yes, please !!! Je lui promis une glace Franui pour le remercier (c'est des glaces qui ne s'achètent qu'ici et c'est suuuper bon). Une bonne douche chaude et au dodo (malgré le hollandais qui parlait pendant la nuit, no comment).
Résumé:
- 55km
- 55km
- 43km
- 15,7 km + 26,6km + ainsi que 4h de rando entre
- 89km de vélo sous la pluie :)
Je veux retrouver les touristes qui t'ont vu traverser la rivière pour leur demander une photo
Louise pas peur! Jpp!!!
Tellement bien de te lire !! Bravoooooo ! Et donne à qui tu veux mon numéro, pourvu qu'il ne soit pas utile !! Bisous