J'ai finalement reçu ma lettre d’autorisation pour le visa en Iran ! Quel soulagement. J'étais en train de regarder des billets d'avion pour autre part, tellement j'en avais marre. Incroyable, je vais donc bien en Iran. Lundi, j'irai à l'ambassade faire le visa.
A mon auberge, je rencontre un peintre norvégien (qu'il ne faut pas appeler artiste, c'est une longue histoire). Il s'entraîne à faire des caricatures et me demande s'il peut me dessiner. Une fois son dessin terminé, il s'excuse un peu et me dit d'un air gêné "c'est toi, mais...dans trente ans", ça me fait trop marrer.
Ces derniers jours ont été mouvementés. J'ai rencontré une tellement chouette équipe via Maud ainsi qu'une Suissesse (!!) venant d'un bled près de Moudon. Notre joyeuse bande a vite appris à se connaître (en fait, eux s'étaient déjà rencontrés à Tbilisi !) et on s'est mis à visiter les bars des alentours de l'auberge avec plaisir. Maud est donc la française rencontrée au musée, on s'entend trop trop bien. Sedjjan est américain et iranien et va aussi à Tabriz dans la semaine (c'est là d'où il vient !), il promet de me montrer un peu la ville une fois là-bas ! Andy est aussi américain et voyage avec Sedjjan, mais comme il n'a pas d'autre passeport, il ne peut pas l'accompagner en Iran, ils se retrouveront les deux à Bakou dans quelques semaines. Chloé - ma compatriote - complète le tableau, elle doit toutefois rentrer en Suisse le 12 au soir. On passe nos soirées ensembles, dont une soirée karaoké mémorable dans un bar russe très -très- kitsch, avec des prix aberrants (mais ça on l'a découvert plus tard) et pleins de russes qui vivaient leur meilleure vie en chantant dans leur langue natale. Sacrée ambiance. On chante en français avec Chloé et en anglais avec les américains, et quand on demande de mettre du Charles Aznavour (qui est donc bien sûr un français d'Arménie), le type me regarde d'un air tellement dédaigneux en mode "fais-nous pas ce supplice". On en verra jamais la couleur. Peut-être qu'il était russe ? Quelques arméniens chantaient aussi dans leur langue, de magnifiques airs traditionnels. Le karaoké ici, ça n'a rien à voir avec le karaoké chez nous.
Le lendemain, les gars nous proposent de les accompagner pour un petit road-trip d'une journée en dehors de Erevan. Quitter Erevan ? J'ai l'impression de vivre un rêve et de respirer enfin, pour une journée... (ok, j’exagère un peu, mais ça fait vraiment du bien). Si on avait réussi à l'oublier, on se rappelle que google maps n'est pas du tout à jour dans le pays, le resto dans lequel on voulait aller n'existe apparemment plus. A-t'il seulement déjà existé ?
On arrive au Lac de Sevan, avec ses magnifiques montagnes caucasiennes derrière. Rien à voir avec la Géorgie, elles ne sont pas vertes, mais brunes, ce qui fait un contraste magnifique avec le bleu du lac. On monte au monastère pour le visiter et on profite du lac, certains osant s'y baigner. (Pas moi bien sûr, c'était beaucoup trop froid). En route, on visite aussi un autre monastère.
On part ensuite dans une toute autre direction pour visiter le très fameux temple de Garni. C'est la golden hour, et c'est juste magnifique ! Quelle journée !
Dans la voiture, on a le droit à un karaoké de Sedjjan en turc (car il parle azerii), en effet, ce n'est pas dans un vrai karaoké arménien que tu peux chanter en turc, à moins de vouloir ne pas en sortir vivant bien sûr.
On roule avec en face de nous le mont Aragats (4 095 m), le point culminant d'Arménie. La classe.
Retour à Erevan pour y manger iranien dans un restaurant que Sedjjan nous a déniché et repos à l'auberge avant... de sortir, évidemment. Vivement le dry october forcé de l'Iran.
Il me faut faire mon visa au consulat iranien à Erevan. Mes téléphones buggent et j'arrive pas à télécharger l'application pour les taxis. Le consulat étant un peu en dehors de la ville, c'est très loin, je ne peux y aller à pied, et les bus ici benh je comprends pas de où à où ils vont. Je finis par réussir à commander un taxi, mais il est déjà midi. J'arrive au consulat qui ferme à 13h, je dois me voiler et poser mes téléphones à l'entrée. C'est du sérieux. J'attends sans savoir le numéro de guichet que j'ai car c'est écrit en farsi et commence à discuter avec ma voisine. Elle est iranienne, mais vit en Arménie. Quand elle apprend que je vais voyager seule en Iran, elle commence à flipper et je vois vraiment la peur dans ses yeux. Elle me dit que je dois faire très attention, que c'est dangereux. "I don't want to say that my country is a bad country, but really, be careful, please, please, please, be careful". Très rassurant madame. Elle me donne sa carte de visite et j'apprends qu'elle est avocate à Erevan. Elle se propose même pour m'accompagner en bus jusqu'à Tabriz (!!!).
Je me présente au guichet, tout semble jouer, mais ils n'acceptent évidemment pas les dollars. Il faut payer 50 euros pour le visa et on m'indique où aller pour les retirer, c'est une banque iranienne à l'autre bout du monde. Dans 10', le consulat ferme, je n'ai pas le temps d'y aller. Je devrai revenir le lendemain. Je vais retirer des euros dans une banque bien plus proche que celle indiquée et ne comprend pas pourquoi il voulait me faire aller aussi loin.
Je vais aussi acheter mon billet de bus Erevan-Tabriz dans un guichet que m'a dégotté Sedjjan qui parle bien sûr farsi. Je m'occupe aussi de retirer des dollars...de quoi survivre un mois en Iran, car là-bas, aucune banque internationale ne fait commerce avec l'Iran à cause des sanctions internationales. Il faut donc amener de quoi vivre en cash. je me balade donc avec mes mille dollars partout, très peu pratique.
Après une soirée qui s'est bien prolongée, car c'était le dernier soir de Chloé à Erevan, je me réveille pour ma mission de visa : dernier effort, tout ira bien - ou presque.
Hier soir, à deux heures du matin, on a appris que les bombardements avaient repris entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et pas seulement dans la région discutée du Haut-Karabagh, mais aussi sur des territoires arméniens... Grosse ambiance.
Je prends donc un taxi pour le consulat, arrive habituée avec mon foulard et dépose mes téléphones dans la boîte prévue pour. J'ai mes 50 euros, j'espère que ça sera rapide. Je discute un peu avec un Japonais qui vient aussi faire son visa. Il me dit qu'il faut déposer les 50 euros dans la banque iranienne et pas les amener ici. Je panique un peu. Je me présente au guichet et le type confirme. Je suis énervée, il m'avait pas du tout expliqué qu'il fallait payer autre part ! Quel genre de consulat n'accepte pas d'argent sur place ??? Je suis au bout de ma vie (j'ai pas beaucoup dormi aussi, il faut dire). Le Japonais doit aussi aller à la banque. C'est donc une course contre la montre qui s'annonce puisque le temps d'aller là-bas et d'attendre, il est déjà midi ! Nous prenons un bus (!) car mon accolyte sait lequel prendre pour aller à la banque. On y arrive trente minutes plus tard, y déposons notre argent en échange d'un reçu et prenons un taxi pour rejoindre en vitesse le consulat. J'ai absolument besoin de ce visa aujourd'hui si je veux partir demain en bus. Nous arrivons à temps et le précieux bout de papier nous est donné, accompagné d'une fourre en plastique. Tout ça pour un putain de bout de papier.
On rentre en bus et je quitte le japonais dont je n'arrive pas à me souvenir du nom. Je suis affamée et retourne manger dans mon resto préféré (un cheeseburger vegan incroyable), puis sieste pour se remettre de ces émotions.
Je vois des stories instagram de personnes que j'ai rencontrées dans mon auberge deux jours avant. Ils ont fait du stop et se sont arrivés vers la frontière avec l'Azerbaïdjan, dans un petit bled. La nuit, les bombardements ont commencé, ils étaient à 2 km. Les locaux qui les ont reçus chez eux les ont quittés en pleine nuit pour aller se battre, pendant qu'eux se barricadaient dans la maison. le lendemain, ils ont pu rejoindre Erevan et prendre le bus pour Tbilisi. ça me fait flipper. Je réalise que mon bus de demain passera forcément vers la frontière de l'Azerbaïdjan, reste à savoir à quel point. Tutto andrà bene.
En attendant, je suis contente car j'ai appris qu'un gars de mon auberge prendra le même bus que moi pour Tabriz. Lui, je me souviens de son prénom puisqu'il s'appelle Louis. Selon ses infos, le bus ne passe pas par Gorsi, ville bombardée la veille. Ça me ravit au plus haut point.
Lac de Sevan, celui qui a inspiré le prénom du filleul de papa!
Bon voyage pour l’Iran!