Blanka, Matji et Julian sont super motivés à grimper le volcan qui nous surplombe. Personnellement, remonter à 4500m d’altitude ne me fait absolument pas rêver et je passe mon tour. J’ai trop peur d’être encore malade à cause de l’altitude. Je me reprends donc un jour de pause en attendant le retour des autres de leur randonnée. Je rattrape un peu mon sommeil et fais une séance shooting avec les lamas et flamands roses. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer que les trois autres reviennent, épuisés de leur marche.
Comme je suis avec une équipe de sur-humains, il n’est pas question de s’arrêter (c’est au moins leur 12eme jour d’affilée à vélo/marche). Nous repartons donc au matin en direction du Salar de Coipasa ; un autre Salar, comme son nom l’indique. En chemin, nous trouvons du pain frais et beaucoup de montée. Nous croisons un cycliste en sens inverse qui fait Alaska-Ushuaia à vélo et qui nous prévient de prochains deux kilomètres remplis de sable où il a du pousser le vélo. Super. Blanka et Matji sont extrêmement rapides et ça me saoule un peu : aucune envie de finir sur les rotules ce soir. Julian ne comprend pas non plus ce stress.
Comme il y a beaucoup de cerruchios (tôle ondulée), je finis vite derrière puisque sans suspensions. J’en ai vraiment marre de cette journée.
Au bout de ma vie, je finis par les rejoindre dans un village qui vend fruits et poulet. On s’arrête un bon moment là, mais je sais que Matji et Blanka veulent encore faire 5km aujourd’hui, à mon plus grand désespoir. Il nous reste donc une heure de route et ça grimpe en plus ! Heureusement pour moi, le coucher de soleil est plus rapide que nous et nous établissons campement au milieu de la montée alors que je pense que mon cœur me lâche. A bout de souffle, je me couche par terre en observant le vol d’un oiseau majestueux et espérant retrouver la respiration d’une personne de 22 ans en bonne santé. Je crois que j’ai vraiment, vraiment, besoin de faire une grande pause, dans un lit, sans le vélo.
Le lendemain, je pars en avance affronter la montée et arrive bien trop vite par rapport aux autres. Aujourd’hui, nous n’avons que de la descente et du plat : que du bonheur. Bon la route n’est pas toujours très bonne, mais qu’est-ce que ça fait du bien d’être à plat !
Nous passons près d’un village où nous trouvons une petite tienda pour faire quelques provisions et y acheter une glace. Nous pique-niquons au bord de la route et sommes l’attraction des enfants du village. L’un d’eux nous apprend qu’une famille de canadiens à vélo est passée la veille. Nous savons que nous sommes sur leurs traces et espérons les rattraper le lendemain. Blanka et Matji les ont déjà rencontrés et j’en ai moi-même beaucoup entendu parlé. Un couple qui pédale avec ses deux enfants, ça ne passe pas aperçu dans la petite communauté des cyclistes en Amérique du Sud.
Les enfants du village ont des petits vélos et nous proposent de faire des courses avec eux. La sieste nous faisait plus envie, mais on ne laisse pas passer une telle occasion. Difficile de battre les enfants avec nos bagages ! Comme l’un d’eux n’a pas de vélo, Julian lui propose de monter à l’arrière de son vélo. J’ai rarement vu un enfant aussi heureux !
Nous quittons finalement ce petit village et continuons notre route en direction du Salar de Coipasa. C’est cours de langue sur les vélos : je continue d’apprendre un peu de hongrois et Julian m’apprend des mots typiquement autrichiens (Ja voii, aucune idée de comment l’écrire) et j’apprends à ce beau monde à compter en français (et quelques insultes parce que c’est le BA-BA de l’apprentissage d’une langue).
Nous sommes proches de l’entrée du Salar et campons sur un sol déjà bien salé et un peu humide ; en effet, le Salar de Coipasa n’est pas encore sec et c’est bien ce qui nous attire vers lui !
C’est notre dernière nuit tous les quatre puisque Julian part dans les montagnes le lendemain, tandis que le reste d’entre nous prévoit de faire une nuit à la sortie du Salar et de prendre un bus le jour d’après pour la Paz. Julian ne prend pas de bus. J’admire cette motivation extrême (il a aussi commencé à Punta Arenas, mais il n’a jamais prit de bus… !).
Le ciel étoilé est une fois encore merveilleux. Au matin, Julian nous cuisine une omelette tandis qu’on lui offre plein de nourriture et lui faisons des prêts d’argent. En effet, nous n’avons toujours pas vu de bancomat depuis notre arrivée en Bolivie et… les protes monnaies diminuent, certains plus vite que d’autres !
Notre groupe se sépare donc et nous laissons filer Julian, tandis que Blanka, Matji et moi nous dirigeons vers le Salar de Coipasa. Je ne sais pas ce qu’il m’arrive aujourd’hui, mais je suis super rapide. Alba vole et nous prenons les devants, fait bien rare quand tes acolytes sont Matji et Blanka. Nous avons en tête de rattraper les canadiens, mais nous ne les rattraperons malheureusement jamais.
Nous avançons à toute allure et en deux heures, nous avons déjà parcouru la moitié du Salar. Comme le soleil commence à nous réchauffer, le sol glacé fond peu à peu et nous découvrons enfin ce que c’est que de pédaler dans l’eau salée ! Ça ralentit bien notre rythme mais l’expérience est dingue. Nous avons droit aux fameux reflets miroirs ! C’est superbe. Nous nous approchons de la fin du Salar et il n’est que midi. Nous espérons alors pouvoir faire en un jour ce que nous avions prévu de faire en deux. Nous sommes bien ralentis par des champs de roches/végétation ressemblant à du corail sur lequel nous ne pouvons par rouler, mais nous retrouvons finalement la route (ripio) avec soulagement. Plus que quinze kilomètres avant le village de Sabaya d’où nous espérons trouver un bus pour la Paz. Nous filons à travers le sable, drogués par l’espoir d’arriver à la Paz au petit matin en bus. Ironiquement, la journée avec le plus de kilomètres faits ensemble est aussi celle où nous arrivons le plus vite ! C’est vrai que d’habitude on plante la tente avec le coucher de soleil…
Arrivés a Sabaya, nous trouvons rapidement la station de bus et attendons que le bus pour Oruro se remplisse. En effet, nous devons faire escale par Oruro avant de changer de bus pour la Paz. Et les vélos ? Sans même lever les sourcils, notre chauffeur nous annonce qu’il peut les mettre sur le toit. Nous trois vélos volent donc au-dessus du bus et se font attacher par le chauffeur qui n’hésite pas à marcher sur nos sacoches (et ma tente !!) pour arrimer le tout. Avec Blanka, on préfère fermer les yeux que de voir le chauffeur presser sur nos vélos de toutes ses forces pour vérifier que ça tient.
Comme le bus peine à se remplir, on se fait d’abord un tour de quartier en klaxonnant pour avertir toute la ville qu’un bus part. A la nuit tombée, nous roulons enfin en direction d’Oruro. Nous arrivons trop tard pour prendre une correspondance et devons trouver un logement dans cette grande ville pas du tout touristique.
Matji se chauffe à demander refuge à une Hospedaje qui a l’air en ruine. Je prie de toute mes forces que ça soit fermé : je préfère planter ma tente dans la rue que de dormir dans ce bâtiment. Personne ne répond, à mon plus grand soulagement. On s’en va alors demander un peu plus loin l’hospitalité. C’est un hôtel qui a un peu meilleure mine. J’ai pas un grand feeling mais le choix est assez restreint. On nous demande nos passeports en guise de caution. Je refuse net, ayant entendu trop d’histoires de personnes donnant leur passeports et ne pouvant le récupérer qu’en payant de grosses sommes d’argent. Matji le téméraire laisse le sien et la dame accepte que cela suffise pour nous trois. Tant mieux.
Nous découvrons notre chambre qui est très surprennement correcte, voire même très bien ! Qui aurait eu idée en entrant dans ce taudis ? On s’en va souper et je dois à nouveau expliquer que “sin carne” englobe non seulement le poulet, mais aussi la saucisse. Elle me mets des œufs sur mon riz, refusant que je mange juste du riz et des frites ; parfait.
Le lendemain, on a de la peine à se motiver car on doit rouler dix kilomètres dans la ville pour accéder à la station de bus pour aller à La Paz. On découvre le trafic Bolivien, échappons à la mort à plusieurs reprises (les RTI c’est quand même une belle invention…), galérons a retirer de l’argent (en Bolivie, pas possible de retirer avec une Mastercard, il faut utiliser western union) et goûtons au pire cheesecake jamais cuisiné (un délicieux goût de plastique). Arrivés à la station de bus de Oruro, nous découvrons les joies du marketing bolivien ; ça crie de partout “Copacabana, La Paz, Cochabamba !!!”. Pourtant il y a des guichets pour vendre des billets de bus !
Matji part à l’aventure pour nous trouver un bus qui accepte nos trois vélos et après seulement trois minutes, il revient suivit d’un bolivien ultra stressé qui nous dit de le suivre. On court derrière lui et il nous désigne un bus qui a déjà le moteur allumé. Il ne nous fait pas même payer pour les vélos et on peut les mettre en entier sans protection dans la soute : un rêve. Je n’ai jamais eu une expérience aussi facile pour prendre le vélo dans le bus. En deux minutes nous sommes à bord.
Quelques heures plus tard, nous sommes déposés à la Paz… mais ce n’est pas le terminal que nous espérions ! Nous sommes à dix kilomètres du centre-ville et dans le quartier (certains le considèrent comme une ville) de El Alto, réputé pour sa petite pègre et un niveau de sécurité moindre. C’est la ville avec le pourcentage de population indigène le plus élevé de toute Amérique du Sud ! C’est aussi une ville très pauvre ce qui explique les pickpockets. Nous nous remettons en selle à contrecœur et sommes vites arrêtés par le trafic. Je m’attendais à galérer, mais pas à ce point. Je n’ai jamais vu des bouchons comme ça. Les voitures prennent chaque centimètre de la route (certaines n’hésitent pas à se mettre perpendiculairement à la route) et le trottoir est à moitié occupé par les échoppes et à moitié occupé par la foule de piéton (presque pire que la fête des vendanges). Impossible de rouler sur la route et pas de place sur le trottoir… Je sens qu’on va bien galérer.
Je propose finalement que l’on se dirige vers le téléférique le plus proche à défaut d’aller au centre à vélo. On se décide alors de faire les quelques 1,5 km nous séparants du teleferico morada, l’une des nombreuses lignes de la ville. Nous mettons bien une heure à traverser les bouchons et la foule ainsi qu’un joli marché. Je dois répéter “no tocar” à tous les passants qui touchent toutes mes affaires et les gens n’hésitent pas à me pousser. Quel plaisir. On doit aussi soulever souvent le vélo pour monter et descendre du trottoir chaque trois mètres et traverser la route s’avère être un calvaire car même si le feu est vert, les voitures s’arrêtent sur le passage piéton et ne laissent pas suffisamment d’espace entre elles pour un vélo.
Bref, nous arrivons à bout à la station de téléférique et cerise sur le gâteau : l’ascenseur est en panne. Heureusement, Matji est en meilleure condition physique que moi et m’aide à porter mon vélo en haut des marches. On entre chacun dans notre cabine “pour des raisons de sécurité”. Nous volons au-dessus des bouchons et avons une vue splendide sur la capitale administrative bolivienne.
En bas, nos chemins se séparent puisque Matji et Blanka ont réservé un autre hôtel tandis que je vais rejoindre Manon qui est à la Paz ! Elle est seule car Hugo est parti en expédition pour faire l’ascension du Potosi (6088m). Elle partage donc sa chambre avec moi en attendant qu’Hugo rentre. Je prends ma première douche depuis.. en tout cas une semaine et redécouvre ce que c’est qu’avoir des cheveux propres : le bonheur.
Que les lamas sont choux!
Oui, tu as pensé à faire qqc de tes textes et photos et... dessins après?
Quellles magnifiques photos de ces salar ... tu vas pouvoir organiser une expo !
JA VOI!