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Photo du rédacteurLouise Perriard

Pas de bienvenue à la mosquée Yavuz Sultan Selim ; choc des cultures de magnitude 8.

Ce matin j’avais envie d’aller découvrir l’ancien quartier juif, paraît-il très coloré et joliment décoré. Comme je m’obstine depuis mon arrivée en Turquie à ne pas prendre les transports publics afin de découvrir la ville en marchant, c’est pour une balade de 40’ que je partais.


J’en profitai pour passer une fois de plus à travers le bazaar épicé, puis longeant les ruelles serrés et remplies de divers étals de marchands, je me surpris presque à rêver d’avoir la place dans mon sac pour une machine à presser les fruits qui semblait bien efficace.




Les marchands se raréfiant, j’entrai dans un quartier d’habitation. Les regards me dévisageant trahirent la surprise des autochtones de rencontrer une touriste là-bas. Car oui, malgré mes efforts, quoi que je porte, on reconnaît que je ne suis pas d’ici. Je dois avoir une tête de suisse.


Je montai les rues pavées sous un soleil cuisant, et croisai finalement une boulangerie. Je me fis comprendre, malgré mon vocabulaire turc très pauvre. Je m’en sortis pour 17 LTY en achetant 1 pain et une sorte de quiche d’ici (c’est un peu scandaleux de l’appeler comme ça, mais ça y ressemblait de loin). Cela correspond à moins d’1.- CHF. On est loin des prix des quartiers touristiques. Je continuai ma petite marche, Google Maps m’indiquant que je m’approchais du fameux quartier recherché.


Pourtant, je croisais de plus en plus de femmes, voilées de la tête au pied, habillées de tchadors ou de niqabs, ces derniers dissimulant souvent leur bouche mais laissant apparaître leurs yeux et parfois leurs nez. Je souris, croyant comprendre que le quartier juif se trouvait à côté du quartier musulman, et m’imaginai alors une jolie cohésion. Bienvenue dans le monde des bisounours de Louise.


Croisant une mosquée, je me dis qu’il fallait en profiter pour la visiter, elle surplombait la ville ; ça devait être joli !


En passant les portes de marbre, je réalisai soudain la présence de la foule, attendant d’entrer dans la mosquée. Comprenant d’où vient l’expression "noir de monde", ayant sous les yeux une foule de femmes parées de leur voiles noirs, qui me dévisageaient, par ailleurs, d’un regard peu accueillant.


De ce que j'ai lu sur internet, j’ai du tomber sur un jour spécial, car les touristes précédent semblent avoir été seuls lors de leur visite du lieu saint.


Ne comprenant absolument pas ce qui se passait, je demandai à un policier s’il y avait quelque chose de spécial ce jour-là. On me répondit dans un anglais approximatif qu’il y avait, dans la voiture -suivie par la foule qui lui courait après-, un « big teacher », qui semblait bien important. Je doute que la comparaison eut été appréciée mais c’était comparable à la foule suivant rabbi Jacob dans le film du même nom. Comparaison qui ne m’enverrait pas vers les 72 vierges promises, certainement.


J’avais, m’étais-je dis à ce moment là, bien fait de mettre un pantalon ce matin. Seuls mes bras étaient découvert, mais mon châle recouvrant mes cheveux, cachait aussi mes épaules. Je me pensais suffisamment habillée, et n’aurais pu imaginer à quel point j’avais tort.


Parmi cette foule de femmes, beaucoup sortaient de la mosquée. J’avais juste envie d'y jeter un coup d’œil ; tout ce monde ayant attisé ma curiosité. Cette mosquée devait être bien belle pour attirer tant de croyants.




Je n'ai jamais mis les pieds à la Mecque, mais dans mon imaginaire, ça doit être très ressemblant à la foule que j'ai croisée ici. Juste en plus grand.


Mes premiers pas après la fontaine aux ablutions furent compliqués. On me dévisageait carrément. J'hésitais à rebrousser chemin, mais ma curiosité me poussait à rentrer « juste pour voir ». De toute façon, la foule m’empêchait aussi bien d'avancer que de reculer.


Une femme un peu plus âgée que les autres m’adressa la parole dans une langue que je ne pu reconnaître. De l’arabe ou du turc, peut-être. Je ne comprenais pas les mots qu’elle m’adressait, mais je comprenais la violence par laquelle elle me demandait de dégager. Une femme l’accompagnant la calma. Je n’arrivais pas à bouger dans la foule et j’étais plus que mal à l’aise.


La curiosité est un vilain défaut disent-ils.


Puis une autre femme vint me voir et s’adressa à moi de manière bien plus douce, elle me demandait si je n’avais pas d’autre habits. Moi qui pensait avoir fait suffisamment d’efforts pour me couvrir. Je me sentais vraiment pas à ma place, et j’eus presque envie de lui répondre ironiquement que je n’avais pas pris de pull ce matin, ni de niqab dans ma valise d'ailleurs. Mais je n'en fis évidemment rien. Cette foule semblait être remontée contre moi et je ne savais pas du tout comment m'en sortir. Je demandai à cette même femme s’il n’y avait pas un habit complet dans la mosquée à emprunter, comme il y en avait dans les mosquées dans lesquelles j’étais entrées en ville.


C’est quand même fou de se dire que je suis entrée sans problème à Ayasofia, en longue robe et châle, mais que je n’étais pas assez habillée ici, pensais-je.


La femme m’indiqua de la suivre à l’intérieur de la mosquée, se faufilant à travers la foule. Elle ne trouva pas de vêtement à me prêter. Je m’en fichais, je voulais partir, vite. Je lui indiquai que je voulais juste prendre une photo et que je partirais ensuite. Elle me répondit par un sourire soulageant. Je pris ma photo ainsi qu'une vidéo de la foule et me dirigeai vers la sortie. Une autre femme m’arrêta me demandant d’effacer la vidéo. Décidément, quelle mécréante étais-je aujourd’hui ! J’effaçai la vidéo sous ses yeux et sorti, cherchant désespérément un endroit calme, où l’absence de niqab couvrant mon corps ne me serait pas reproché. En sortant, on me demanda quand même d’où je venais et ce que je faisais dans la ville. C’était demandé de manière sympathique, mais je sentais qu’on me reprochait d’avoir voulu voir cette mosquée. Je me le reprochais aussi, soit dit en passant.



Le plafond de la Mosquée qui ne valait absolument pas mes efforts pour y accéder. Je recommande pas vraiment. Pas du tout en fait.

J’en pouvais plus de ces regards.


Pas de quartier juif en vue, je voulais vraiment juste me barrer. Je crois que je suis passée à travers un bout de ce fameux quartier, mais j’avais aucune envie de m'arrêter. Voulant monter dans un bateau, la machine qui vendait les billets ne voulait pas fonctionner. Je demandai de l’aide au marin le plus proche, qui me dit de rentrer dans le bateau - qui allait partir dans la seconde - sans payer. Je lui en suis extrêmement reconnaissante, car je n’avais aucune envie de rester une minute de plus à cet endroit où je n’étais pas la bienvenue du tout. Même dans le bateau, je me sentais toujours observée.



Seule photo que j'ai prise du quartier tant recherché. J'étais plus en recherche du port que des maisons colorées à ce moment-là.

Conclusion ?


Je suis un peu remuée de cette aventure. Je me suis vraiment sentie exclue et rejetée violemment. Je pensais avoir fait ma part du job en me couvrant de cette manière -certes pas de manière suffisante selon les femmes que j'ai rencontrées- et j'attendais un peu à ce que l'on me reçoive comme la catho ignorante que je suis, c'est-à-dire intéressée à en apprendre plus sur l'Islam et tentant de me faire discrète au possible : échec cuisant dans notre cas, mais tentative bien mieux réussie dans les autres mosquées visitées. En y repensant, je réalise qu'une femme voilée, portant le niqab, ne serait probablement pas mieux reçue dans une Église chez nous. Quoique les sœurs sont vêtues de manière similaire.


Je ne sais pas trop quoi tirer de cette expérience ; faut-il vraiment être couverte de la tête aux pieds pour entrer dans une mosquée tout en respectant le lieu aux yeux de ses fidèles ? Ou ne faut-il simplement pas entrer dans une mosquée bondée de fidèles qui semblent très pratiquants ?


Ce qui est sûr c'est que j'accueillerai avec plaisir les femmes voilées qui veulent visiter nos Églises, s’intéressant à notre culture et nos bâtiments religieux. Essayez de faire de même, aurais-je envie de demander.


Bref.


Frustrée et interloquée, je débarque un peu perdue au port de Karaköy, mais je réalise alors que j'ai juste envie de retourner à la chambre et me reposer après ces émotions intenses. Je rentre alors en tram, c'est vous dire mon état ^^.


Un peu revigorée, je repars découvrir le quartier de Karaköy et sa fameuse rue Istiklal. Ce quartier est un peu le coin bobo de la ville, avec de nombreux petits cafés de style moderne-bobo-hippie-enfin-t'as-compris.


Je repasse sur le pont de Galeta dans l'autre sens, les pêcheurs à la ligne n'ayant pas bougé et les mosquées trônant au loin m'éblouissant toujours de leur beauté, sublimes. sur le pont, j'ai l'impression qu'un type me suit. Décidément, c'est ma journée. Je fais mine de prendre des photos pour le laisser me dépasser, mais il s'arrête à son tour, regardant le paysage d'un air faussement intéressé. Je le dépasse alors et accélère le pas, mais le pont est long. De l'autre côté du Bosphore, je me retourne et le vois du coin de l'oeil, me rendant un même regard du coin du sien. Je m'arrête résolue à ce qu'il s'en aille. Je le vois hésiter et abandonner. Il descend les escaliers, je le vois se retourner une dernière fois ; il vérifie que je m'en vais dans une autre direction, ce que je fais, avant de réaliser que ce n'est pas du tout mon chemin. Peu importe.


Il a disparu dans la foule. Je peux reprendre ma route, non sans me demander ce que j'ai fait au karma pour mériter une journée pareille.


Je m'arrête dans un café, y déguster un "vrai" café turc (pas vraiment, mais je m'en foutais un peu)...et un cheese-cake pour me remettre de mes émotions. Je sens le karma tourner, en tout cas je l'espère. Je manque peut-être juste de sommeil pour mettre l'énergie qu'il faut à écouter mon instinct. Allez, au repos.




NB : A quel point est-ce grave si je récupère la vidéo supprimée sur mon iphone ?


Je compte sur mon grand vizir, tripadvisor, pour faire du resto de ce soir le highlight de cette journée (en vrai, pas hyper compliqué je crois).






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Quelle journée! Repose bien pour avoir ton instinct au top pour la suite! Après ta narration, je n’ai même plus envie de plaisanter sur la presse à fruits du début de récit…

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