Je teste la petite salle de grimpe pour mon dernier soir à Bariloche et, le lendemain, dis au revoir à tout le monde en testant Alba pour la première fois. Quel poids ! Il faut dire que j'ai aussi 1,6 kg en plus en sac de couchage, car effrayée par les -14°C annoncés dans les Andes par d'autres cyclistes, je me suis trouvé un sac de couchage seconde main pour compléter le mien. Eh oui, les sacs de couchage, c'est comme les vêtements, c'est encore mieux par couches ! ...mais c'est lourd.
Alba est très belle et bien solide. Je passe de roues de 28mm à environ 50mm, et ça change tout. Je vais devoir m’habituer à avoir les vitesses et plateaux à un nouvel endroit, et je sens que ça va me poser quelques problèmes ; mais esthétiquement, c’est une dinguerie !
Miguel et Diego ont fait une séance shooting photo pour Alba la veille, je peux donc partir, manque plus qu’à pédaler ! Il faut sortir de l’horrible trafic de Bariloche…et ça prend un peu de temps. Près de Dinal Huapi, je bifurque sur une route de « bikepacking », pour ne pas reprendre la route asphaltée (ruta de los siete lagos) que je ne connais que trop bien. Je prends donc ma première route de gravel. Je ne croise qu’une seule voiture de toute la journée. J’ai l’impression d’être seule au monde ! C’est magnifique et Alba roule bien, même si je galère toujours avec les vitesses.
Les premiers kilomètres sont plutôt faciles, même si rien n’est facile que tu roules pour la première fois avec un vélo, qui plus est, bien chargé. Sur les pentes très raides, je dois pousser le vélo et je découvre alors ce que c’est que le sport, le vrai. Quel enfer de pousser tout ce poids sur une route qui n’en est pas une et quand même tes pieds glissent… Mais j’ai droit à des couleurs automnales splendides, ce qui me redonnent tout de suite la pêche.
Je me gorge des paysages et m’arrête après 50km près de la rivière. Des argentins pêchent la truite et me laissent profiter du lieu seule après le coucher de soleil.
Le lendemain, je fais un départ comme toujours tardif et pendant que je finis de déjeuner, je rencontre deux cyclos, Ashley et Daniel, respectivement de Nouvelle-Zélande et d’Australie. On papote un moment et je leur annonce à regret ne pas être encore prête pour rouler avec eux, car ils vont au nord (!). Comme ils doivent faire des courses au prochain village, je devrais pouvoir les rattraper, me disent-ils. ça me motive donc à me dépêcher et je range mes affaires relativement rapidement et me met en route. Arrivée au village, il y a un petit pont qui me ramène sur la grosse route. Là, je rencontre Nicolas, un californien qui a loué un vélo pour quatre jours et qui fait un petit tour. On discute en roulant et c’est chouette ! Un peu plus loin, on retrouve nos deux océaniens qui nous laissent aller devant, car on roule un peu plus vite (ouais, ils se gardaient pour le ripio à venir, à mon avis). A une bifurcation, Nicolas tourne là ou je ne tourne pas. C’était vraiment sympa de rouler avec, même pour deux petites heures ! Ashley et Daniel nous rattrapent alors qu’on papotait au bord de route. Je repars avec le couple et on tourne à notre tour un peu plus loin pour rejoindre le ripio (et donc le calme). Ils filent comme des fusées et j’abandonne assez vite l’idée de les suivre. On espère se retrouver au même endroit pour le camping.
Je les rattrape de temps en temps, mais ils me sèment définitivement sur la grosse montée. C’est très beau, mais c’est vraiment une montée difficile. Le revêtement est mauvais, il y a beaucoup de tolondulée et c’est raide… Je m’attendais à quelque chose de moins dure puisque le site bikeacking.com le classe comme un 6/10 (ce qui est dans les plus bas des routes proposées). En fait, je n’avais pas prêté bien attention à la phrase d’après :
"Difficulty: The route involves easy non-technical riding, for the most part. But bear in mind that (…) the partly steep climb to the Paso del Córdoba (is) fairly physically demanding".
Je n’apprécie donc pas les paysages à leur juste valeur et galère à monter. Le col est à 1310m. Physiquement, c’est peut-être l’une des plus difficiles journées du voyage (difficile de dire si le dernier col pour revenir en Argentine était pire toutefois). Mentalement ? Rien ne sera pire que les premiers jours à vélo. En soit, je sais qu’après cette dure montée, j’aurai de la descente. Je ne sais juste pas si mes jambes réussiront à tenir debout en fin de journée. Je suis très étonnée de réaliser que cette journée est bien plus dure que prévu alors que les cyclistes rencontrés/qui m’ont recommandés ce trajet ne semblaient pas avoir éprouvé de difficultés… J’en viens à penser que je suis vraiment pas sportive par rapport à d’autres cyclistes… Ah les grandes comparaisons entre cyclos.. ! N’empêche difficile de pas se poser de questions quand tu vois que certains cyclistes croisés se font plus de 1000km en une semaine. Qu’entends-je ? Serait-ce l’ego qui en a prit un coup ?
Une fois en haut du col, je vois Ashley et Daniel qui repartent de leur pause au sommet. Impossible de continuer sans m’arrêter, je les laissent filer. Je me poser longtemps au sommet, me fais un couscous rapide pour reprendre des forces et découvre un paysage sublime face à moi. Je rencontre un couple d’argentins en voiture qui s’arrête prendre des photos. On discute un moment et, une fois encore, on me déconseille très fortement le tronçon Las Lajas-Mendoza (environ 700km de désert) semble-t’il très difficile et ennuyeux ; en gros je n’y arriverai pas- ou très difficilement qu’il me dit. Madame glisse à son mari - à mon plus grand bonheur - « mais laisse-la faire si elle veut ». Ils sont super choux les deux et je sais bien que Monsieur cherche à m’aider. Il me donne d’ailleurs quelques conseils pour où planter ma tente le soir même. Ils s’en vont et me laisse à mon repos.
D’ailleurs, j’hésite à refaire un tronçon en bus pour une question de timing et faire Las Lajas ou Chos Malal-Mendoza pourrait être une option, mais une partie de moi à envie de prouver à tous ces mecs croisés que c’est possible… et puis… j’ai rencontré tellement de cyclos qui l’ont fait ! Bon, il faut déjà que j'arrive à Las Lajas...
Je rencontre beaucoup de problèmes avec mes vitesses et plateau sur la montée...je me réjouis de trouver du réseau pour joindre Miguel et lui demander que faire ! Les vitesses ne cliquent pas et c'est très irritant. Je dois aussi serrer souvent la vis papillon des vitesses, bref c'est pas l'idéal. En dehors de ça, Alba m'impressionne ; aucune pierre ne lui fait peur et la tolondulée ne la déstabilise pas pour autant - au grand dam de mon fessier.
Je descends sur 10km dans un ripio qui laisse à désirer et fais une course contre la montre ou plutôt contre le coucher de soleil. C'est à ce moment-là qu'unchien décide de me sauter dessus ; mon instinct de survie ayant prit le dessus, je pédale d'autant plus vite dans ce foutu ripio et finit par le semer. Bonne dose d'adrénaline. J'arrive avant que le soleil ne se couche près de la rivière et installe vite ma tente. J'ai les jambes en compote et me réjouis de dormir.
Je suis un peu déçue de ne pas voir Ashley et Dan ici, mais j'apprendrai plus tard qu'ils n'étaient qu'à trois kilomètres de là ! Ils ne vont pas jusqu'à San Martin et je ne les croiserai malheureusement plus, car ils s'envolent vers le Peru pour y faire la Peru Divide.. de sérieux cyclistes !
Ce qui m'attend jusqu'à rejoindre la ruta 40 ? de la tôlondulée, tout le long. Arrivée au village de Meliquina, je m'y mange une pizza et prends un coca revigorant avant de reprendre les secousses jusqu'au sacrosaint asphalte. Les 25km qui me séparent de San Martin de los Andes, je les connais. Pour une raison qui m'échappe, mon cerveau a effacé toute la montée avant la descente. J'ai l'impression que la route s'est modifiée depuis le mois passé ! Elle est où ma descente de 25km ?? En fait, seuls les 9 derniers kilomètres descendent... sacré coup pour le moral déjà bien entamé par les secousses du ripio. J'arrive à bout à San Martin, dépassée par des camions qui s'en foutent apparemment que je reste sur la route ou non. Leur technique ? Te klaxonner en te dépassant sans pouvoir aller sur l'autre voie à cause du trafic, tout en espérant que tu finisses par sortir de la route par instinct de survie. ça marche et ça me rend dingue à chaque fois.
Enfin à San Martin, je me dirige directement vers mon auberge-chalet de la dernière fois. A ma plus grande surprise, c'est plein, plus de places (alors qu'on est hors-saison !). A ma seconde plus grande surprise, le gars de la réception me répond dans un français impeccable, bien qu'avec un accent argentin, que c'est à cause du marathon qui a lieu ce week-end ! Sa maman est professeure de français, ce qui explique son excellent français, mais qui ne m'aide pas à trouver un lit pour la nuit. Il me souhaite bonne chance et je me dirige vers une autre auberge trouvée sur IOverlander ; "bike hostel". ça sonne bien. Il leur reste un lit, il est à moi ! C'est plus cher, mais c'est super cosy et je peux ranger mon vélo dans le garage. Je rencontre vite Joaquin, Manon et Chrissi qui sont dans ma chambre. Ils me proposent de me joindre à eux pour le repas du soir - ce que je fais avec plaisir, non sans m'être douchée avant. On se marre trop ce soir-là et ce sont des gens avec qui je pourrais vraiment rester pote, comme avec Manon et Hugo ! Très chouette soirée et plus de bières que d'eau ingurgitées, ce qui n'était pas très malin de ma part. Je me prépare à repartir le lendemain, Alba est prête et voilà que quelque chose bloque les freins. J'ai aucun motivation à trouver une solution par moi-même et vais chez un réparateur, j'en profite pour lui dire que les vitesses ont de la peine à se changer puisque Miguel n'est pas d'une grande aide (à part me dire que je peux aller chez son pote à 500km plus au nord pour réparer ça). Je reste donc une deuxième journée dans ma super auberge, c'est pas plus mal !
Ah et incroyable nouvelle, Manon m'a vendu (pour pas grande chose du tout) sa gourde filtrante lifestraw puisqu'elle s'envole pour l'Australie où elle n'en aura plus besoin ! Un problème en moins, un !
On se réjouit de toutes ces nouvelles en espérons bientôt apprendre que tout va bien pour la belle Alba!