Pour visiter ce site archéologique de l'ancienne ville de Pergame, je chausse mes baskets pour la première fois du voyage, ce qui permet de cacher mes marques de bronzages de mes Birkenstocks, bien visibles autrement.
J'en ai pour un peu moins de 3h de transports pour arriver sur le site - la bibliothèque de Pergame, elle se mérite. En effet, dans l'Antiquité, cette bibliothèque était le deuxième plus importante au monde, après celle d'Alexandrie. Rien que ça.
Mais pour y arriver, il faut prendre un train, très long, puis un bus, très long. A cause de problèmes de tickets, le bus part sans moi et je me retrouve à devoir attendre 30' le suivant. Je m'efforce de rester calme, malgré un agacement évident. Le bus ne va évidemment pas jusqu'au site, ça serait trop simple. Il faut marcher sous le soleil, dans des rues vides et arides, au risque de se demander s'il s'agit vraiment d'une ville habitée.
Quand la tête commence à tourner à cause de la chaleur, cela signifie que vous arrivez vers le téléphérique. Ou peut-être préférez-vous monter les 4km de terre battue sous les 35° C marquants bien l'été oriental ? Non, vous ne voulez pas.
J'ai opté pour le téléphérique, ça ne m'a pas pris long à faire ce choix.
La visite commence très vite par l’impressionnant temple de Trajan, et se poursuit entre temples, Agora et Asclépiéion, sur cet énorme site archéologique - moins bien conservé qu'Ephèse -que la renommée précède-, mais qui permet ainsi de laisser court à son imagination. Le soleil tape fort, la crème solaire oubliée chez Emine, mais le théâtre que j'ai sous les yeux me fait oublier tout cela. Il s'agit du plus abrupt de tous les théâtres antiques. Pas de faux pas s'il vous plait, la chute serait longue et douloureuse.
Après cette spectaculaire découverte et une jolie marche sur le site, mon corps réclame repos. A défaut d'aller grimper ce soir (c'était le plan initial avec Emine, mais il est tombé à l'eau), j'ai le temps d'aller à la mer. Emine m'a parlé d'une plage qui s'appelle Foçia, je vais tenter.
Pour y aller, il faut un dolmuş, et les dolmuş...ben ça se trouve pas à tous les coins de rue, en tout cas pas les rues désertiques traversées. Croisant deux vieilles femmes prenant le thé, je m'arrête leur demander où trouver mon bonheur. Elles ne savent pas ou ne comprennent pas, mais un jeune homme (un petit-fils ?) arrive avec des loukoums et me propose son aide. Il ne parle pas anglais mais semble comprendre ce que je veux. Il me propose de m'amener en moto à la station de départ des bus. Sachant qu'Emine m'a avertie la veille que le stop est dangereux en Turquie, je suis un peu sur mes gardes, mais je lui fais confiance. De toute manière, il ne pourra pas m’amener à un endroit plus paumé que celui où je suis à l'instant, et les deux vieilles femmes ne semblent pas s'inquiéter. J'ai un bon feeling.
Je monte donc sur son bolide ; le seul vrai danger de cette entreprise, c'est bien plutôt la circulation. Mon chauffeur improvisé essaie de me faire la conversation, en turc bien sûr. J'essaie de deviner ce qu'il me dit, lui répond que je suis suisse et à la question de savoir combien de temps je reste dans son pays, je renonce à essayer d'expliquer que je verrai au feeling et hasarde "three weeks, utch !". Il me parle ensuite de la plage de foçia, je crois comprendre qu'il y en a deux et qu'il me demande laquelle m'intéresse. J'en ai aucune idée et peine à le lui expliquer. J'imagine comprendre qu'il n'y est jamais allé.
Arrivés à la station de bus, il me quitte tout sourire. Combien de grands samaritains vais-je trouver sur ma route ?
Je tente de prendre un billet de minibus, le type veut savoir à quelle plage je vais. Je ne suis pas plus avancée qu'avant. Je crois qu'il ne comprenait d'une part, pas du tout ce que je foutais là, d'autant plus que je ne parlais pas sa langue, et d'autre part, pas comment je ne pouvais pas savoir où j'allais. Il me demande 60 liras à payer cash. J'en ai que 45, ce qui m'arrange puisque je ne sais toujours pas si je suis censée marchander cela ou pas. Un marchandage s'impose donc de lui-même. Il sort alors son appareil à carte et me demande les 60 liras, que je lui paye. Puis il me demande d'attendre et me tend deux billet de 10 liras. Je n'ai à ce jour, toujours pas du tout compris la transaction.
Il m'explique ensuite comment aller à foçia - l'une des deux, choisie arbitrairement. En effet, son bus ne va pas là-bas mais s'arrêtera à un croisement où je devrai attendre un autre bus. Il me fait un dessin. Ça complique tout de suite mes plans, moi qui pensais naïvement qu'on m'emmènerait devant ma plage...en plus le bus ne part que 30'plus tard.
J'attends alors le départ du bus et vois arriver un couple et leur enfant. La petite fille est adorable et je vois son père la prendre avec amour dans ses bras. En se baissant, je vois dans la poche arrière de son pantalon, un flingue qui dépasse. J'essaie toujours de me convaincre que c'était un flic en civil. Ce pays ne cesse de m'étonner. Le bus finit par se remplir, je m'assois en retrait de notre ami armé et suit google maps (encore Georgggges) pour vérifier que le chauffeur s'arrête à la rue demandée. je fais bien, car il oublie de me déposer et freine juste à temps en m'entendant crier "Eski Foçia !". Là, je me retrouve à un carrefour au milieu de nul part, avec des voitures roulant franchement pas lentement. je me poste à l'endroit indiqué et continue à me dire que c'est n'importe quoi - car c'est ma réflexion depuis que j'ai quitté le site archéologique. Tout va de travers aujourd'hui, tout en fonctionnant quand même, mais en me contrariant tout de même.
Et là, un bus sort de nul part et s'arrête à 10m de moi. Il n'y a pas d'arrêt de bus, pourtant c'est un vrai bus, pas un dolmus. J'attendais l'un de ces derniers, mais fonce dans le bus public et espère arriver dans moins de dix ans, car cela fait déjà 1h30 que je suis partie de Pergame. Le bus roule tellement vite que l'on arrive deux fois plus vite que les prévisions de Georges. Les dépassements peu évidents du bus y sont pour quelque chose.
Enfin arrivée près de la mer, je me rends compte qu'il est super tard et que je n'ai pas beaucoup de temps ici avant de rentrer pour manger avec Emine à Izmir, qui est encore à 1h de route en voiture...et pas en transports publics ! Quelle crise.
Je cherche une plage, et marche le long du bord de mer. Je vois des parasols plantés dans 1 m2 de sable, mais je n'ai pas fait tout ce chemin pour ça... je continue de marcher et finit par tomber sur une plage - pas très belle certes, mais avec de l'eau et des baigneurs dedans tout de même. Je me dépêche de me mettre en maillot de bain et fait se mélanger le sel sur ma peau à celui de la mer. Cette fraîcheur me refait. Je suis vraiment contente de me baigner. Bien sûr, tout ce chemin n'en valait pas la peine, mais autant en profiter. J'apprendrai plus tard que j'ai choisis la mauvaise Foçia. Je ne fais pas bien long sur mon bout de plage et reprends le chemin inverse jusqu'à trouver un dolmus pour Izmir. Emine m'attend pour manger, elle m'a préparé des Mantı. Ce sont les meilleurs que j'aie mangé à ce jour, ils étaient incroyables ! Quel régale. Elle s'est vraiment mise en quatre pour m'accueillir !
Le lendemain matin, réveil matinal pour aller visiter le très fameux site d'Ephèse. J'ai un peu peur du trajet après mes aventures de la veille, mais tout est tellement simple ! Ce n'est pas la porte à côté, certes, mais je trouve tout facilement et arrive sur le site vers 11h30. Je prends un audio-guide et entre dans la majestueuse cité grecque qui était jadis, un grand port, mais qui aujourd'hui se trouve à 7 km de la mer. Le lieu est impressionnant d'entrée. Il faut dire qu'entre le grand théâtre, la Bibliothèque de Celsus et le Temple d'Artémis -l'une des sept merveilles du monde de l'Antiquité -, il y a de quoi être impressionnée. Je passe bien deux heures sur ce site géant et merveilleux.
Puis direction un petit village recommandé par Emine. L'ancien village grec de Şirince date de la période hellénistique, il est composé de jolies maisons colorées entourées de vignes et d'oliviers et surplombé de deux églises byzantines. Ce village aurait été peuplé par les habitants d'Ephèse, contraint de quitter leur ville ensablée.
Après cette petite visite, je souhaite encore visiter la maison de la vierge Marie, lieu de pèlerinage important, comme en témoignent les visites de quatre papes différents en ce lieu saint. Son accès n'est pas des plus simples, aucun dolmus n'y va et je suis contrainte de demander à un taxi de m'y amener. Les prix sont européens, on me demande 25 euros (oui, en euros...) pour l'aller-retour (14km en tout). Pour le coût de la vie ici, c'est de la folie. J'essaie de négocier un peu mais ne réussis pas à tomber en dessous de 20 euros. Tous les taxis appliquent les mêmes prix, un cartel taxisien bien pensé. Mon chauffeur est toutefois un excellent historien, il parle bien anglais et me fait un cours d'histoire sur la région. Arrivés sur le sanctuaire, je m'avance vers la minuscule chapelle qui fut autrefois la maison de la vierge Marie emmenée sur ce lieu par Saint-Jean après la crucifixion du Christ. A savoir que selon les archéologues, cela tient lieu de la légende. Ce sanctuaire reste cependant un lieu de pèlerinage, aussi bien pour les chrétiens que pour les musulmans dont le Coran honore la mère du prophète Jésus)
Je dois dire que je m'attendais à une Eglise un peu plus grande. C'est vraiment tout petit. Plus loin, un mur des voeux se tient et continue d'être rempli de chiffons par les visiteurs - lamentations d'ici. Une source d'eau, aux supposées vertus curatrices, se trouve à côté.
Je retourne ensuite à mon chauffeur qui s'arrête plusieurs fois sur le chemin pour que je prenne des photos du paysage et de la statue de la vierge. Il aurait dû être guide, c'est sûr.
C'est un long trajet en train pour le retour à Izmir qui m'attend. J'y rencontre un couple de français en vacances dans la région et discute avec eux tout le trajet. Quel plaisir de communiquer dans la langue de Molière !
Je me dépêche ensuite de faire des courses, car j'ai promis à Emine que je cuisinerai pour elle ce soir, lasagnes végétariennes au programme. Pas ma plus grande réussite, mais pas mauvais tout de même.
Le lendemain, un nouveau réveil matinal s'impose pour aller à la plage de Çeşme, située à 100km d'Izmir. Malgré un potentiel très long trajet, celui-ci s'avère bien plus simple et court que prévu ; je commence à comprendre comment fonctionne le pays. J'y passe la journée à lézarder au soleil, sur une plage paradisiaque, bien que remplie de monde. La mer est chaude, le vent agréable et ma peau rouge.
Je rentre avec quelques douleurs dues au soleil, et m'endors dans le bus du retour: c'est épuisant de ne rien faire. C'est ma dernière nuit chez Emine à Izmir. Demain, je pars pour le sud en m'arrêtant une journée à Pamukkale, un incontournable du touriste en Turquie. Le réveil est réglé à 6h, ça va piquer. Il n'y a plus d'eau dans l'appartement, la douche ça sera pour demain soir.
Est-ce que le stop n’est pas dangereux partout (sauf entre Finhaut et Giétroz)?
Mais tu es incroyable ! merci pour ces magnifiques récits !!!