Avec Blanka et Mathias, on embarque nos vélos à bord du pickup de notre taxi chilienne qui parle parfaitement anglais (elle est née aux États Unis). Elle nous parle du Chili et des problèmes du pays en soulevant notamment le fait que « la colonisation n’a jamais vraiment terminé puisque les espagnols sont propriétaires de quasi toute l’eau chilienne ».
On arrive finalement à la frontière où elle nous laisse avec nos vélos. Nous sommes à 4800m d’altitude. Nous passons le poste frontière le plus élevé au monde. Les chiliens sont très impressionnés de nos vélos et nous laissent filer vers la Bolivie. Le poste frontière bolivien est très discret et quasi fantôme, mais un douanier fini par tamponner nos passeports et nous voilà repartis.
Sur la descente, mes deux porte-bouteilles savamment fabriqué se cassent : il faut trouver une autre solution. Nos gourdes ne font que de tomber sur ce revêtement plus qu’ondulé. Blanka finit par me prendre une de mes petites gourdes et je transporte les autres plus ou moins facilement. J’ai un mal de tête terrible et beaucoup de peine à respirer à cause de l’altitude. Je mange des feuilles de coca pour éliminer les symptômes du mal d’altitude. Ça fonctionne, mais la fatigue reste et le mal de tête revient vite. Je suis pas mal derrière Blanka et Mathias qui prennent le temps de m’attendre. Je dois toujours ramasser mes bouteilles qui tombent et la route est assez mauvaise ce qui me fait ralentir pour éviter de trop grosses secousses. Je suis épuisée. L’altitude, je l’avais pas bien anticipée. Mais les paysages sont splendides et c’est chouette de pédaler avec d’autres gens. Finalement, un cycliste se rapproche au loin ; c’est Julian l’autrichien qui nous a rattrapé. Notre gang de cyclistes s’agrandit donc.
Nous approchons des lagunes vertes et blanches (4320m) après seulement 20km à pédaler, mais à pédaler à 9km/h. Je suis à bout et j’ai les larmes aux yeux. Je peine à respirer, toujours. J’ai mal à la tête, toujours. J’ai la nausée. Je ne peux rien avaler le soir. Malgré tout, les paysages sont surréels et valent toutes mes misères. Le reste de l’équipe est bien acclimaté, ça rigole et je m’efforce de rire avec eux. Notre campement se trouve au bord de la lagune et on y a des thermes connus que des cyclistes et de certains rares guides de la région. Nous les avons juste pour nous et c'est trop chouette. L’eau n’est pas suffisamment chaude pour que j’y reste bien longtemps et je m’enfile bien vite dans mon sac de couchage pour tenter de me réchauffer. Le thermomètre passe en dessous de zéro, l’eau gèle ainsi que tous nos vivres ; bananes, Nutella, huile etc.
Je ne dors quasi pas de la nuit à cause de l’altitude et suis réveillée pour le lever de soleil merveilleux. J’ai beau être crevée, l’équipe me motive à fond et je me dis que je tenterai peut-être de faire du 4x4 stop à la prochaine lagune. Cela deviendra un running gag : Louise qui fera du stop juste après cela. Blanka est d’une patience incroyable et me rassure en me disant qu’ils ont eu les mêmes symptômes quelques jours avant, qu’ils pleuraient et galèreraient, qu’elle me comprend. Je suis d’une faiblesse sans nom mais ça rigole bien et rend l’air plus léger à défaut de plus oxygéné. Le début est plat et ça va, j’arrive même à parler ! Mais quand le dénivelé augmente, la galère reprend. Toute l’équipe passe devant et je suis vite seule à affronter le manque d’oxygène et la fatigue. A ce moment-là, un 4x4 passe, c’est celui de Manon et Hugo ! Ils m’encouragent à fond et me redonnent un peu de force pour quelques mètres.
Plus loin, la gang s’est arrêtée. Il y a un renard andin ! Il est très curieux de tous ces vélos et est sûrement affamé. Il nous suit un moment et finit par se poser dans le sable.
Je continue mon calvaire alors que les autres sont déjà presque en haut de la montée. Je respire de plus en plus difficilement et dois souvent m’arrêter. Presque arrivée en haut, je vois l’équipe pique-niquer. Je m’arrête reprendre mon souffle mais n’y arrive pas. Dans une sorte de crise d’asthme sans asthme, je fonds en pleure. Je me reprends finalement et trouve la force de sortir mon pique-nique de la sacoche pour m’effondrer vers mes copains. Je me couche sur le sable chaud en pls en essayant de reprendre mon souffle. Finalement j’y arrive et tente de me forcer à manger, n’ayant toujours pas faim à cause de l’altitude. Une fois encore, j’annonce mon idée de faire du stop ici, je ne veux plus pédaler. C’était sans compter Blanka, Mathias et Julian qui me redonnèrent de la motivation : « c’est de la descente jusqu’aux prochains thermes ! ». Je reprends le vélo et retrouve le sourire à mesure que l’on perd de l’altitude. Le revêtement est assez bon par rapport aux histoires d’horreurs entendues sur cette route. La difficulté, c’est pas le ripio, c’est l’altitude !
On passe par le désert de Dali aux airs surréalistes et on arrive finalement à la laguna Chalviri (que j’ai affectueusement surnommée Shakiri) à côté de laquelle se trouvent les thermes de Polques, ceux-ci bien plus chauds que ceux de la veille.
Nous plongeons bien vite dans l’eau à 38°C après avoir eu un fou rire suite à un dialogue absurde avec le gars de l’entrée des bains. Il nous interdit en effet de camper d’un côté du mur et nous surnommons donc ce dernier le « magic wall ». Deuxième fou rire après que certains d’entre nous aient essayé les toilettes (papier toilette compté à l’entrée et différents trous selon ce dont tu as besoin, je vous fais pas un dessin). Bref, l’équipe est bien joyeuse et mon mal de crâne s’apaise. Nous restons des heures durant dans les thermes (4390m), face à la lagune et à quelques flamands roses se prélassant au dernières lueurs du soleil. La température de l’eau contraste bien avec la température extérieure et en sortir relève de la bravoure. On est seuls, c’est magique. En effet, les 4x4 touristiques font tous le même trajet et aux mêmes heures, ce qui signifie qu’en dehors des rares moments où les 4x4 passent, nous sommes seuls face au désert et à ces paysages incroyables. Pédaler ici, c’était plus que difficile, mais chaque coup de pédale était récompensé.
Le soir, je ne suis de nouveau pas bien et toute nauséeuse. A grand regret, je les laissent retourner aux thermes sous le ciel étoilé pendant que je me force à avaler quatre noodles et m’endormir (non sans prendre deux-trois photos de ce ciel merveilleux avec pleine lune).
Au matin, ça va mieux. Je fais dégeler mes bananes au-dessus de mon eau qui chauffe pour le thé ; c'est assez comique. On décide de prendre notre temps et de retourner se baigner aux thermes.
Il fait très chaud aujourd’hui et vingt kilomètres de montée nous attendent afin de gravir les Andes et se percher à 4920m d’altitude, près de geysers. ça me fait très peur de monter si haut en étant si mal. Une fois encore, j'ose évoquer l’idée de m’arrêter de pédaler. L’équipe d’un bloc m’en empêche et me motive à les suivre… et heureusement ! Je vais soudainement beaucoup mieux ! J’ai du plaisir à gravir ces 500m de dénivelé ! Au bout d’un moment le souffle se refait court, mais rien de comparable aux deux jours précédents. Il fait très chaud et on roule en shorts et t-shirts. Notre petite équipe est de très bonne humeur et j’arrive plus ou moins à suivre le rythme. Tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu’au moment où le soleil commence à se coucher alors que l’on est encore à plusieurs kilomètres des geysers (il faut comprendre que sur ces routes on n’avance pas à plus que 10km/h et selon à 7km/h). Le revêtement est toujours relativement bon mais le soleil disparait et sans lui, le froid revient au galop. Il faut remettre toutes les couches en vitesses et les gants et le bonnet. Je suis cette fois derrière, l’altitude m’ayant bien ralentie tandis que les autres galopent dopés à l’EPO, acclimatés depuis longtemps.
Me retrouvant seule, je suis mon gps et prend une route marquée « interdit d’accès », car ce n’est pas un panneau au milieu du désert qui va m’arrêter. Mes acolytes n’ont pas pris cette route et je me retrouve à pousser dans le sable, à la lueur de la lune et les mains et pieds gelés. Je retrouve une route et fonce dans le cratère d’un volcan y trouver les fameux geysers et toute l’équipe. Je tremble de froid et le mal d’altitude est plus présent que jamais. Je suis toute maladroite. Arrivée vers les autres qui admirent les geysers, je me lance sur ma tente et l’installe le plus vite possible. Mes mains sont tellement gelées que j’ai de la peine à faire quoi que ce soit. Heureusement, Julian a des chaufferettes à usage unique et m’en offre pour mes mains et mes pieds ! Je plante donc la tente qui gronde dans le vent et m’enfile sous les sacs de couchage juste après avoir lancé un rapide bonne nuit aux autres. Impossible de ressortir dans le froid et le vent. Tout le monde est à la même et chacun se réfugie dans sa tente. Je me réchauffe heureusement assez vite et je cuisine pour la première fois un vrai plat avec une vraie portion de cycliste. Il était temps ! Mon corps en avait grand besoin. Le lendemain, on est tous en forme et on peut admirer les geysers au lever du soleil ! C’est trop beau !
Que d'extrêmes dans ce périple, de l'intensité du mal d'altitude à l'époustouflante beauté des paysages! quel voyage!
Juste sublime ! incroyable de beauté !!!!